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Dapaong: Ces productrices qui regardent pourrir impuissamment leurs tomates

par Edouard Samboe - 2023-02-20 21:22:15 809 vue(s) 0 Comment(s)

La région des savanes à l’instar des autres autres régions du Togo est essentiellement agricole. Avec une population en majorité jeune et une croissance démographique rapide, la disponibilité des terres cultivables se pose depuis plusieurs années dans certaines préfectures comme celles de Cinkansé, Tône ou Tandjoaré. Cette situation a conduit certains paysans à prendre d’assaut les terres rurales dans l’oti et surtout le Kpendjal. Pour ceux qui sont restés sur place, la seule saison des pluies qui devient de plus en plus courte au fil des ans avec des pluies beaucoup plus rares, ne permet pas de produire suffisamment afin de vivre du fruit de son travail. Depuis plus d’une dizaine d’années, les paysans ont ainsi initié les activités de maraîchage, une sorte de deuxième saison afin de combler le gap en produisant notamment des oignons et surtout des tomates. Mais visiblement, les maraîchers de la région des savanes ne semblent pas être au bout du tunnel. Entre difficultés d’approvisionnement en engrais, manque d’eau et mévente, ils peinent à se tirer d’affaire. Reportage.

Samedi, 18 février 2023. Le brouillard épais qui couvre la région des savanes ne décourage pas les marchands qui prennent d’assaut les ruelles. Il n’est que 8 heures mais le marché de Dapaong s’anime déjà. Dans chaque coin de ruelles, des femmes bébés solidement attachés au dos ont bravé le vent sec, la poussière et le brouillard pour venir vendre. En ce mois de février, la marchandise la plus abondante est la tomate, un produit de contre saison .

Des femmes devant leurs cuvettes de tomates au marché de Dapaong. Photo@robert-douti

Ces femmes qui paient le lourd tribut de la mévente….

Le long des trottoirs, on peut trouver des tomates posées à même le sol, transportées dans des paniers sur des motos ou dans des cuvettes sur la tête par les femmes. La couleur rouge des tomates domine le marché et les plaintes surtout celle des femmes font couler des sueurs froides.  » Les femmes de Lomé ne viennent plus dans les champs pour payer les tomates. Si tu restes là à les attendre, les tomates vont pourrir c’est pourquoi nous avons décidé d’amener ça au marché mais c’est pire. Personne n’achète et nous n’avons pas de place pour s’asseoir. Il faut transporter et se promener dans le marché et parfois de maison en maison. » Explique Yandja Yendoutien, 34 ans, venue de Namongou. Notre conversation avec elle sera interrompue par les taximan qui leur enjoind de quitter les lieux car la place tient lieu de gare . Un peu plus à la sortie sud, Yentétibe , la vingtaine ploie sous le poids d’une cuvette de tomate et tente de calmer en vain le bébé qu’elle a au dos. La jeune dame explique que son bébé est malade et elle a amené la tomate pour vendre afin de lui acheter des médicaments.

Achat de tomates dans un champ à Dapaong

Une dame est venue acheter à 1500f mais elle n’avait pas choix . Le marché conclu, elle devrait transporter la marchandise jusqu’au domicile de sa cliente avant d’être payée mais chemin faisant, cette dernière a croisé une vielle connaissance et a pris tout son temps pour causer, oubliant l’infortunée, cuvette sur la tête, bébé au dos……. Le calvaire vécu par les femmes est indescriptible. Certaines après avoir sillonné tout le marché sans pouvoir vendre retournent, désespérées.  » Si tu ne trouve pas de clients, tu es obligé de ramener ça à la maison ou de partager à des connaissances » nous a confié l’une d’entre elles. Pour Moïse Kognah, président de l’association des maraîchers de Tône 4, la situation actuelle est dûe à la mauvaise foi des commerçantes venues de Lomé.  » Les femmes de Lomé n’ont pas de mesure fixe pour acheter la tomate. Il y’a jusqu’à trois sortes de paniers et les prix sont fixés selon l’humeur de celles qui achètent. » explique t-il. Il a déploré la malhonnêteté de certains producteurs qui, lorsque le prix grimpent, font usage de certains produits pour que les tomates mûrissent alors qu’elles ne sont pas arrivées à maturité. Ils les vendent aux femmes et les tomates pourrissent en l’espace de 72heures provoquant la faillite chez les commerçantes. Ces dernières, une fois de retour, diminuent drastiquement le prix par panier et refusent même l’achat de certaines tomates qu’elles jugent doûteuses.

Des paniers de tomates prêts pour le chargement sur le site de Nassablé( Dapaong)

Dans le cycle infernal de l’endettement.

Selon les témoignages des paysans, la production maraîchère de façon générale exige assez d’argent. Et très souvent, il faut demander un crédit dans une microfinance ou auprès d’un proche pour . Certains vendent leurs boeufs et d’autres leurs récoltes .  » Mon mari a vendu son sorgho pour pouvoir faire face aux dépenses avec l’espoir qu’au sortir du jardin, il pourrait gagner un peu d’argent pour acheter le maïs et surtout de l’engrais pour les champs mais face à la mévente nous ne savons plus quoi faire . Ce qui est sûr la disette frappe déjà à nos portes » Confie Lalle Pouniyale de Namontong. Dans des villages comme Kantindi, Dakpante, Kounkouate, les femmes nous ont laissé entendre qu’elles demandent du crédit au sein de leurs groupements d’épargne et de crédit( Gvec) afin de face à l’achat des semences, des intrants, aux dépenses liées au creusage des puits maraicher, etc.Malgré tout, à la fin de la saison maraîchère, elles se tiraient d’affaire mais la situation a commencé par se compliquer depuis bientôt ans avec la survenue du COVID-19 .  » Depuis 2020, nous enregistrons des pertes, certaines femmes n’arrivent plus à rembourser les crédits. D’autres ont même fui le foyer à cause de ça pour aller au Burkina. » explique une dame, trésorière d’un Groupement villageois d’épargne et de crédit. « En2020, certaines n’ont pas pû rembourser leurs crédits, l’année suivante, nous leur avons octroyé un nouveau crédit dans l’espoir de les aider à rembourser au moins le précédent et une partie du nouveau crédit après les ventes mais cela n’a été le cas.(….). Voilà comment elle sont demeurés dans un cycle d’endettement » a t-elle ajouté avant de conclure que cette affaire d’endettement n’est pas seulement l’apanage des femmes. « C’est la même chose sinon pire pour certains hommes qui ,au final ,prennent nuitamment le chemin de l’aventure afin d’échapper aux pressions des créanciers. » Une affirmation que reprend Moïse Kongnah, président de l’association des maraîchers de Tône4, la situation serait plus que grave selon ses propos.  » Certains pour éviter l’humiliation des agents de crédit se donnent la mort, nous avons vécu cela en 2021 à Mandouri.

Des productrices perplexes

Leurre ou lueure?

Face au problème de mévente qui se pose avec accuité, les producteurs fondent tout leurs espoirs sur une unité de transformation en cours d’installation à Bagname-Sanfatoute, village situé à environ 10 km de Korbongou, chef lieu de la commune de Tône 4. Presqu’ achevé, l’usine de transformation de tomate « Foyem transformation » apparait comme une solution pour les maraîchers mais certains d’entre eux restent sceptiques.  » L’initiative est à féliciter mais nous voulons voir pour croire. Dans les année 2015, une initiative pareille avait été prise par l’ONG Rafia en collaboration avec la fondacion Milano d’Italie à travers le projet Jeunes filles pour l’Agro mais cela n’a rien donné.  » Explique Toyabe Yarbondja, maraîcher à Waluag.

L’unité de transformation de Bagname -Sanfatoute

En attendant la mise en marche de » Foyem transformation », les tomates continuent de pourrir dans les champs et les producteurs entre angoisse et désespoir se demandent ce qu’ils ont fait au ciel pour mériter ce funeste sort.

Robert Douti

Laabali.tg

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