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Terrorisme

Situation humanitaire à Kpendjal : L’Etat sécurise, les déplacés internes s’adaptent

par Edouard Samboe - 2023-06-23 13:17:22 1314 vue(s) 0 Comment(s)

Ils sont des milliers, désormais loin de leurs terres et vivant au gré de la providence. Jadis installés dans leurs villages, pratiquants l’agriculture et de l’élevage, leur vie a basculé il y a deux ans avec la survenue des attaques menées par les groupes armés terroristes du groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM) qui tente de s’installer aux portes du Togo, dans la zone des trois frontières, entre le Burkina Faso le Bénin et le Togo dans la préfecture de Kpendjal. Dans cette zone montagneuse aux terres fertiles et aux pâturages abondants, espace de prédilection des transhumants et des trafiquants de tous genres, les éléments du groupement d’intervention léger antiterroriste (GILAT) croisent le fer avec un adversaire invisible. Entre le feu des groupes extrémistes et celui des forces armées togolaises, les populations civiles ont fui plusieurs villages pour ne pas être prises en étau.  Comment vivent désormais ces populations déplacées, notre rédaction s’est intéressée au quotidien de celles installées à Tchimoury dans la commune de Kpendjal-Ouest, à une vingtaine de kilomètres au Nord-Ouest de Mandouri, chef-lieu de la préfecture de Kpendjal dans la région des Savanes.

Dans ces nouveaux quartiers qui ont poussé aux confins du village sur des rochers, il règne une chaleur infernale malgré le ciel nuageux.  À l’ombre d’un arbre, une sexagénaire s’affaire devant un tas de brindilles d’où elle extrait des fibres ( pour tresser des cordes). À l’approche, c’est un visage pas étrange. Elle, c’est Kampatibe Salamatou, veuve et mère de 7 enfants, elle vient du village de Banangandi.  Nos souvenirs nous rappellent que nous l’avions rencontré il y a un an lors de notre aventure risquée à Kpembolé aux lendemains d’une attaque terroriste nocturne qui avait coûté la vie à plus d’une vingtaine de civils.

 À 73 ans, elle vit désormais dans ce quartier fondé il y a quelques mois par les habitants de Banangandi. Ici comme dans la plupart des quartiers, les résidents sont en majorité des femmes et des enfants. Les quelques hommes sont des vieillards et des personnes en situation de handicap. Les hommes valides ont, pour la plupart, rejoint le Nigeria, le Ghana ou la Côte d’Ivoire à la recherche d’un mieux-être mais surtout pour échapper aux groupes terroristes qui les tuent ou les enrôlent de forces.  » Faut-il dire encore dire que nous souffrons ? Point n’est plus besoin. Nous n’avons presque rien récolté la saison dernière. Le bétail a été emporté. Les quelques bêtes que nous avons pû amené ici sont morts. Nous ne pouvons plus aller ramasser les noix de karité ou cueillir les fruits du Néré. Nous ne savons plus quoi faire. » se complaint dame Salamatou . Et à la question de savoir comment arrivent-elles à survivre, la vieille nous montre du doigt une cuvette surmontée d’un sac à l’entrée de sa concession.  » Je viens d’arriver de l’autre côté du village chez des proches où j’ai pu fabriquer un peu de charbon. J’irai vendre au marché pour acheter un peu de maïs. Nous vivons au jour le jour, c’est Dieu seul qui sait quand est ce que nous pouvons trouver à manger et quand nous allons dormir le ventre creux. Et pourtant, nous ne connaissions pas cette souffrance avant quand nous étions chez nous ». Conclut-elle. Pour ce qui est du retour dans leur village, elle estime que tout dépendra du retour de la quiétude et aussi des autorités.

Autre quartier, même réalités.

 Dans ce quartier, les femmes nous ont confié qu’elles vivent, en cette période, grâce aux noix de karité qu’elles retournent ramasser au village mais pas sans difficultés.  » C’est au lever du soleil que nous allons pour ramasser les noix de karité. Il faut marcher sur la pointe des pieds et la peur au ventre. Et parfois lorsque nous apercevons des inconnus, il faut se cacher ou se sauver.  » Confie Moaga Kombaté, la cinquantaine. Une fois les fruits de karité ramassés, ils sont dépouillés de leur peau et bouillies dans de grandes marmites. Les noix sont ensuite décortiquées, pilées puis transformées en beurre de karité. La vente du beurre permet aux femmes de faire face aux besoins urgents (acheter du savon, des condiments et du maïs). Face à la longueur du processus de transformation des noix en beurre et vu les nécessités, certaines femmes vendent les noix décortiquées à 175f le kilogramme.  » Il faut le faire ainsi afin d’acheter au moins du gari aux enfants lorsqu’ils pleurent de faim » affirme Yemboni Paga. 

À Tchimoury, les déplacés se sont réinstallés beaucoup plus par affinité en fonction des localités de provenance et des liens de parenté. Nous nous sommes rendus dans un autre quartier habité par des déplacés venus de Blamonga(village situé à une dizaine de kilomètres au Sud-Est de Tchimoury).D’épaisses fumées s’échappent au-dessus des concessions où , dans de grandes marmites, bouent des noix de Karité. Sous un vieux tamarinier, le vieux Nakordja, la soixantaine fabrique des éventails et des cages à poussins.  » Il faut se réinventer, on ne peut espérer rien de personne, car ici, nous sommes comme un couple formé d’un homme aveugle et d’une femme lépreuse. Personne ne peut aider son prochain » nous lance-t-il avec assez d’humour.  » Je n’ai plus de force, je me débrouille à tresser des éventails. Cela me permet d’avoir de quoi acheter de cola » ajoute -t-il.  Autour de lui, des femmes dépouillent des noix de karité de leurs coques.

Âgée de 57 ans , Paga  était la première épouse du chef du village de Blamonga qui fut assassiné avec son fils dans la nuit du 14 au 15  juillet 2022.  » Regarde, mon fils. Même nos maisons sont construites sur des rochers. Il n y a pas une portion de terre pour semer des légumes. Tu comprends bien qu’on ne peut plus parler de champs… ». Ajoute-t-elle en larmes. Certaines femmes dont les époux avaient été égorgés en cette nuit horrible confient avoir reçu une aide financière sans nous préciser le montant.

La situation humanitaire en dépit des efforts du gouvernement à travers l’agence national pour la protection civile (ANPC) et les aides périodiques apportées par des associations et autres bonnes volontés ne sont qu’une goutte d’eau dans la mer. Il faut redoubler d’effort afin d’assister ces populations qui , fuyant la crise sécuritaire se retrouvent aujourd’hui confrontées  à une autre crise, celle alimentaire.

Robert Douti

Laabali

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