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Infrastructures : La région des savanes, l’épicentre des chantiers fragiles

par Edouard Samboe - 2023-03-13 01:16:48 1286 vue(s) 1 Comment(s)

Il est connu que , depuis plus d’une décennie , le gouvernement togolais a entamé une politique de grands travaux d’infrastructures routières et socioéducatives, en l’occurrence des centres de santé, des pistes rurales et des bâtiments scolaires. Il n’est étrange pour personne, que si certaines réalisations se font sur fonds propres, il n’en demeure pas moins que c’est grâce à des appuis financiers des partenaires sous formes de prêts, que d’autres infrastructures pointent à l’horizon. Alors qu’on attend qu’elles soient de très bonnes qualités, au regard de la charge qui pèse sur le contribuable togolais, il est constaté que ,parfois ,le manque de rigueur dans l’exécution desdits travaux impacte négativement la qualité de l’ouvrage. Il s’agit notamment, des ouvrages abandonnés au beau milieu de la réalisation,  des ouvrages mal réalisés,  inachevés, des ouvrages annoncés, jamais entamés. Au cœur de ce phénomène qui interroge, la région des Savanes semble être le ventre mou de ce mic mac.

Dalot isolé sur le tronçon Toaga-Sidiki-Bantamboaré

Tronçon Dakpante-Oupotigou, 3 km. Le grand chantier annoncé sur ce tronçon est arrivé avec les pieds cassés. Prévu pour être réalisé en 2016 grâce au programme de développement communautaire, les choses trainent encore à l’orée de cette année 2023. Pour les passants, le seul signe qui marque la concrétisation dudit projet reste la plaque d’indication. Lorsqu’on s’intéresse à l’origine du ralentissement des grands travaux, les usagers allèguent qu’ils n’ont jamais vu un engin passer pour lesdits travaux.

village de Bantamboaré( Tône1)

 A en croire un curieux qui observe le déroulement des travaux : « Sur le même projet avec la même entreprise, la piste Toaga- Sidiki- Bantamboaré n’a pas été réalisée. Sur le tronçon, seuls les dalots ont été érigés et depuis, et nada ».  Une situation perplexe qui s’apparente à une indignation, dont personne n’ose lever le petit doigt. Et lorsqu’on parle de la région des Savanes, les chantiers similaires de travaux publics avec des points d’interrogations sont légion, selon les regards concordants des habitants. Une affirmation qui semble se justifier au regard de certains chantiers abandonnés comme ici au grand marché de Dapaong. « C’était un magasin pour les revendeuses de céréales, il a été mal construit. La mairie a décidé de le démolir en partie, car la façade Est menaçait de s’écrouler. Depuis 2019, le bâtiment est resté en l’état», témoigne une commerçante qui conclut, la main sur le menton humoristiquement : « Nous allons tous rester spectateurs en attendant le retour de Lamboni ».

Bâtiment scolaire mal réalisé à l’EPP Bantamboaré

Au cœur de la ville les exemples sont traçables. Un autre bâtiment inachevé est visible au centre hospitalier préfectoral de Dapaong, au quartier Nassablé. Plusieurs sources affirment que même l’hôtel Dapaong a connu sa finition grâce à la politique de célébration tournante de la fête de l’indépendance du Togo que la région des savanes a eu la chance d’abriter en 2017, et qu’avant cette date, c’était un bâtiment abandonné à moitié depuis des décennies. A cette liste de chantiers inachevés viennent s’ajouter celles des ouvrages mal réalisés un peu partout dans la région. Le pont de Kpamboulk dans Tandjoaré est l’un des derniers exemples palpables.

Le même constat a été fait par les populations concernant un bâtiment du CHP de Dapaong toujours inachevé, alors que les entreprises étaient sensées le faire, selon le caneva du temps fixé et de l’enveloppe allouée, en conséquence.

Le contribuable qui ne maitrise pas sa responsabilité

Dans la plupart des cas, les ouvrages non ou mal réalisés dans la région des savanes restent en l’état, au nez et à la barbe des bénéficiaires, exception faite de la digue de Sidiki dont les travaux ont été repris. Si sous d’autres cieux les entreprises sont souvent sommés de reprendre les travaux, c’est loin d’être le cas au Togo. Pire, il est constaté que les mêmes entreprises se voient confier d’autres marchés, sans la moindre sanction. Le silence du gouvernement, celui des autorités locales et des bénéficiaires, interroge la responsabilité de chacun d’eux face à cette situation. « Parfois nous sommes surpris. La signature de la convention de passation des marchés se fait très souvent à Lomé à notre insu. On les voit seulement un matin venir commencer par travailler sans avoir été informé » s’indigne un élu local.  » « Dans ces conditions, quel pouvoir avons-nous pour exiger d’eux quoi que ce soit ? », S’interroge-t-il. Les populations bénéficiaires qui devraient jouer le rôle de veille citoyenne semblent ignorer ce devoir qui les incombe.  » Ils ne connaissent pas en majorité leur rôle. Et s’ils sont les premiers à quémander un peu de ciment pour réparer un mur fissuré, que feront-ils si les maçons détournent du ciment ? Ce sont des agissements pareils qui ont conduit Ebomaf à nous construire des routes biodégradables » s’indigne Etienne Gouyanani, défenseur des droits de l’homme. La responsabilité est donc partagée entre les maitres d’ouvrages, les bénéficiaires et les bureaux de contrôle.

Route Oportigou-Dakpante jamais réalisé

A quand la fin ?

Aucune entreprise togolaise n’a jamais été sanctionnée pour mauvaise réalisation des ouvrages. Point n’est nécessaire de citer des exemples. Alors qu’on parle de la vertu dans la gestion de la chose publique, on se demande à quand l’opération mains propres ? Pour certains observateurs, la raison de ce phénomène malsain c’est que la majorité des entrepreneurs de BTP sont des soutiens politiques.  Au Burkina Faso, pour des affaires similaires, le conseil des ministres du jeudi dernier a demandé à l’entreprise en charge de la route de Sakaoinsé de la reprendre, pour mauvaise exécution. Une position exemplaire qui va contribuer à décourager les entrepreneurs indélicats, lorsqu’il s’agit de l’exécution des travaux publics. 

Magasin de céréales abandonné au marché de Dapaong

Alors que la Constitution togolaise donne les pouvoirs au procureur de la république, aux députés et aussi au peuple de demander des éclaircissements lorsqu’il s’agit de la chose publique, dans la région des Savanes, on attendra encore pour longtemps. Les questions d’interpellations ou d’actualité des députés de la région des Savanes sur l’inexécution des infrastructures pourraient contribuer à faire avancer les choses. Mais, attendant ce n’est pas le cas, le peuple attend, et attendra longtemps.

Bernard Bandéguini

Laabali

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