La crise sécuritaire que vit le Burkina Faso depuis 2016 est loin d’être terminée. Si des efforts sont visibles depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré en terme de reconquête du territoire, les groupes armés tentent de maintenir la résistance. La nébuleuse s’en prend désormais beaucoup plus aux civils qu’elle chasse, pille et tue. Face à la barbarie de ces groupes extrémistes, les populations de la région du centre- Est cèdent du terrain. Ces derniers mois, plusieurs ont été contraints de traverser la frontière pour se réfugier au Nord et au Nord-Est de la préfecture de Tône. Ils se chiffrent par milliers en majorité des femmes, des enfants et des personnes âgées.
Yembouate, dernière agglomération togolaise frontalière avec la Commune de Soudougui sur l’axe Korbongou- Sanfatoute est située à une trentaine de km de Dapaong, chef-lieu de la région des savanes. Cette localité du canton de Sanfatoute dans la commune de Tône 4 offre son hospitalité aux réfugiés burkinabès depuis près de sept mois selon les témoignages des habitants. Ils viennent des villages de Napiga, Modaogue, Bonkwonde, Bouryeng, etc, des villages passés sous le contrôle des groupes armés depuis plusieurs mois.
L’accès au logement, un parcours de combattant…
» Face à la terre, ce qui compte c’est de pouvoir se sauver…et pour l’instant, je suis en vie avec ma famille » voici en substance les premiers mots de Damoudou Pamo souleymane, quatre-vingt-ans, venus de Sitipiga dans la commune de Sangha. Assis à même le sol à l’ombre d’un karité, dans la cour d’une concession qui se résume à un bâtiment de quatre chambres, le vieux Souleymane se dit rassuré pour sa sécurité à cause de la proximité de l’armée togolaise qui patrouille à chaque instant.
Ici, on se douche uniquement la nuit à l’air libre, pareil pour faire les selles. Pas de sanitaires. » J’avais loué toute la maison, mais il y a quelques jours, le cousin du propriétaire de la cour est revenu de l’aventure. Il a occupé deux chambres. Il ne nous reste que deux pour ma famille et moi. Je paie la pièce à 2500f » C’est donc dans deux pièces de 4m2 que les 18 personnes s’entassent avec leurs bagages.
Juste derrière cette concession, une autre maison accueille une quarantaine de personnes issues de trois ménages. Lihamin Sabdano, 58 ans est venue de Modaog avec ses enfants , ses petits-enfants et sa belle-fille. Ils y vivent depuis 7 mois. Les chambres n’ont ni portes ni fenêtres. De vieux moustiquaires protègent les ouvertures des regards curieux des passants. Pour décrire l’intérieur des chambres, il faut trouver de nouveaux mots, un exercice pas aussi simple. Ici, tout se résume au silence et parfois au soupire pour les plus courageux.
La faim, l’autre insécurité.
Devant la mort, ils ont fui sans rien prendre, mais après s’être sauvé, il faut vivre, voilà l’énigme à résoudre. Et comme toujours ce sont les femmes qui tentent l’impossible. » Nous puisons de l’eau pour celles qui vendent à manger, nous les aidons à laver les assiettes contre 200 FR CFA la journée. Parfois nous ramassons aussi du sable pour vendre et ce que nous gagnons, nous essayons de joindre les bouts. Il y a des jours où nous restons affamés parce que nous n’avons pas de choix. » se complaint Assana sawadogo mère de trois enfants. Les témoignages recueillis sont les mêmes pour ces réfugiés qui ne vivent pas dans des familles d’accueil. Il faut se débrouiller mais jusqu’à quand ?
La plupart des réfugiés rencontrés ont été enregistrés et détiennent des certificats de demande d’asile. Avant les dernières attaques de Bonkwonde ayant provoqué la fuite des populations de Diémbendé, le canton de Sanfatoute enregistrait environ 2300 déplacés confondus. Cependant le dernier flux de réfugiés venus de Diémbendé nécessite un nouveau recensement et le chiffre pourrait doubler. Chaque jour des dizaines de personnes continuent d’arriver d’après un élu local qui se charge de les enregistrer.
La situation humanitaire va grandissante dans cette partie du nord du Togo, alors que la saison des pluies débutée un mois plus tôt pourrait s’accentuer avec les averses torrentielles couplées d’aléas naturels.
Robert Douti
Laabali
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