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Santé

Excision : Villages frontaliers, derniers vestiges d’une pratique bannie

par Robert Douti - 2023-12-11 13:43:59 1091 vue(s) 1 Comment(s)

Février 2011, au son des chants et tam-tams, ONG et Associations de lutte contre les mutilations génitales féminines célèbrent à Timbou( préfecture de Cinkassé) la fin de l’excision. Plus d’une decennie après, la pratique est de nouveau signalée et dans le même canton. Si certains redoutent la réapparition d’une pratique qui pourrait reprendre de l’ampleur d’autres estiment qu’il s’agirait juste d’un cas isolé. Sommes-toutes, les faits sont là, les interrogations aussi. L’arsenal juridique et les différentes actions des organisations non gouvernementales (ONG) seraient-ils en train de buter à la volonté manifeste des adeptes des mutilations génitales féminines à maintenir l’excision au Nord du Togo ? Enquête sur une pratique coutumière à la peau dure.

Sornabé, un quartier du village de Kpalmotongue, à quelques kilomètres à l’ouest de Timbou, chef lieu de la commune de Cinkansé 2. Nous sommes dans la région des savanes au nord du Togo. Ici, la panique qui s’est emparée des villageois depuis fin septembre 2023 reste encore perceptible. Les regards des habitants à l’arrivée d’un inconnu le traduisent suffisamment. On reste très méfiant face à toute personne étrangère qui arrive dans ledit village. Personne ne parle de ce sujet pourtant connu de tous dans la localité. «Huuum, personne n’aurait sû si tout s’était bien passé», nous apprend-t-on. Celle à qui nous avons réussi à arracher cette phrase, avoisine la soixantaine et, est une fidèle de l’église des Assemblées de Dieu . Ainsi sommes-nous parvenus à briser le silence mais pas pour longtemps . Sur le sujet, elle n’a pas souhaité en dire davantage sauf qu’ajouter que certaines femmes sont trop audacieuses. Ici, parler de l’excision serait un tabou par peur sûrement des représailles.

Une journée pas comme les autres

On apprend que ce sont des membres du comité local de veille et de suivi de l’abandon de l’excision qui ont alerté la brigade de gendarmerie de Timbou . Lorsqu’ils débarquent dans ce quartier , les habitants effrayés s’évaporent pour certains dans les champs . C’était le 25 septembre 2023. Douze personnes dont dix hommes et deux femmes( l’exciseuse et son hôte) sont arrêtées et conduites à la brigade de gendarmerie de Timbou. L’excision pratiquée ce jour sur des filles rassemblées dans une maison à la périphérie ouest du quartier a mal tournée. L’exciseuse et ses assistantes ne réussissent pas à contenir l’hémorragie à laquelle font face les trois premiéres filles à qui elle venait d’offrir une ablation du clitoris.

Vu la gravité de leur état , les victimes seront conduites urgemment au Centre medico-social de Timbou qui les référe aussitôt pour l’hôpital Braun de Cinkassé en vue d’une meilleure prise en charge.

La plus âgée, Dogou Zéïna (18 ans) s’apprêterait selon nos sources à se marier très prochainement. De nos recoupements, les victimes , de 5 à 18 ans , étaient des déplacées et le nombre était en passe de devenir important.  » N’eût été l’incident lié à l’hémorragie, le nombre de filles excisées devrait s’accroître considérablement. La veille , une réunion avec été organisée afin de recenser les potentiels candidates et le plus grand nombre était des enfants de réfugiés venus de l’autre côté de la frontière», nous confie une source.

L’exciseuse , une récidiviste

Paka Hadé, l’exciseuse de 53 ans est venue de Daboulga, un village de Sangha, une commune de la province du Koulpelgo dans le centre-Est du Burkina Faso . Elle a élu domicile à Pisosgo, un quarier de Timbou qui fait frontière avec le village de Safobé . Cette dame selon nos sources, est depuis longtemps reconnue comme exerçant la profession d’exciseuse.  » c’est une dame très mobile. Nous étions à sa recherche car elle avait été identifiée par nos collègues du Burkina Faso en vue d’être envoyée au séminaire de reconversion mais elle n’a jamais voulu « . Confie un responsable d’une ONG de la place. Aujourd’hui, elle est en détention à la prison civile de Dapaong avec ses complices en attendant le procès.

Un effet de contagion

Si certains estiment que c’est l’arrivée massive réfugiés fuyant les exactions des groupes armés qui a été le facteur déclencheur de la réapparition de l’excision, d’autres sources confient que chaque année, des filles se font toujours exciser dans certaines localités de la préfecture de Cinkassé en toute clandestinité. Ces sources pointent du doigt les villages à majorité habités d’analphabètes.

Pratique culturelle ou religieuse ?

Pour les adeptes de cette pratique dégradante et dangéreuse, ce ne sont pas les arguments qui manquent. Et pourtant, des esprits avertis au sein même des peuples qui ont fait de cette pratique une coutume expliquent que l’excision n’est ni une pratique religieuse ni culturelle. Dans les foyers mossé, Peulhs Yaanas, Bissas, etc, la femme non excisée était autrefois, objet de remarques. Certains témoignages sortent de l’ordinaire.  » J’ai fait exciser ma fille parce que je n’en pouvait plus. Elle me revenait tellement avec des problèmes à tel point que j’ai même fait une crise un jour. Ses coépouses se moquaient d’elle et l’insultaient tous les jours et comme c’était une mineure( 15 ans), elle revenait tout le temps en pleures. Je tentais de la calmer à chaque fois qu’elle me racontait, mais finalement je n’en pouvais plus. J’ai dû convaincre son père et nous l’avons envoyé se faire exciser au Burkina Faso. » confie Nanimpo Lamboni, au quartier Komologo(Cinkassé).

Nanimpo Kombaté. Mère d’une victime

Malheureusement, la victime n’a pas pû sauvegarder son foyer malgré tout. Aujourd’hui, elle s’est remariée à Tenkodogo et attend toujours son premier enfant. Pour ce qui est de l’excision des femmes déjà au foyer, les raisons sont diverses d’après nos enquêtes et parfois certaines révélations laissent penser que le mal sera difficile à enrayer en une génération.

Une mère explique qu’au moment de l’accouchement, lorsque le bébé touche le clitoris, il ne survivra pas et pour ceux qui survivent, ils peuvent être à l’origine du décès précoce du géniteur. À Tabi, un village voisin de Cinkassé, Fatima Kodé explique qu’elle s’est faite exciser parce qu’elle ne supportait plus les injures de sa belle mère et à la question de savoir comment cette derniere a t-elle sû qu’elle n’était pas excisée, la dame explique.  » Quand j’ai accouché mon premier enfant, c’est elle qui me faisait la toilettes les sept premiers jours. Elle savait tout de mon intimité. Un jour, pour une histoire de sauce d’arachide mal préparée, elle a commencé par m’insulter jusqu’à me traiter de femme impure . Les autres vielles du quartier depuis ce jour me regardaient avec dédain…. »

Des victimes innocentes..

Alimatou Paganaya, victime d’excision

Si certaines des femmes au foyer se font exciser, las d’être stigmatisées, aujourd’hui les tendances consistent à vouloir exciser les filles dès leurs bas âge. Et les victimes innocentes subissent la douleur et les conséquences d’un acte dont elles n’ont pas demandé ni n’en connaîtront jamais les raisons pour certaines. C’est le cas de de Alimatou Paganaya, maîtresse couturière à cinkassé.  » Je suis née en côte d’ivoire et lorsque j’avais 18 ans ma grand mère a demandé qu’on me ramène au village. Quelques jours après mon arrivée , on m’a excisé. Ce n’était pas facile, J’ai saigné abondamment et j’ai failli perdre la vie. J’avais tellement mal que j’ai presque arraché la joue de l’exciseuse. Je me rappelle encore, ma plaie s’est cicatrisée avant elle. Ayouba Safoura, apprentie couturière, a été excisée toute petite. Àgée de 18 ans aujourd’hui, elle traîne des séquelles.  » Parfois ça me fait des plaies, j’ai peur. J’apprends que cela peut m’empêcher d’accoucher. Je ne sais pas pourquoi on m’a fait ça, ils ne m’ont rien dit jusqu’à ce jour » .

À l’instar de Safoura, Yérétou soundakouma s’inquiéte pour sa santé. Cette jeune fille Djerma a été excisée avant un an et aujourd’hui elle s’interroge sur sa vie sexuelle.  » Je dirai à celles qui ne sont pas encore excisées de ne plus le faire et surtout de dénoncer leurs parents s’ils veulent faire ça à d’autres enfants » prévient -elle.

Quid des associations et ONG en action contre cette pratique ?

Depuis 2008, le consortium des ONG dAppui au Développement et à la promotion de la femme au Togo (COAD-PF-Togo) travaille en vue d’endiguer la pratique. Selon Gnon Fati, point focal du consortium, l’état des lieux sur le taux de prévalence de l’excision dans les localité touchées par le consortium a révélé des poches de récidives dans villages frontaliers et transfrontaliers avec les pays voisins. « Ces poches de résistance ont été localisées dans les zones à forte concentration de transhumants. » explique t-elle.
Ce constat a donné naissance à un projet de synergie d’action intitulé  » Eradication du phénomène transfrontalier de l’excision au Togo- Ghana- Burkina Faso, Projet BMZ N°5867. » Le projet est mené par un consortium composé de ADDMIR, OREPSA et Kpaal n’paag du Togo, AJBDR et ASD du Burkina Faso et Baanu man du Ghana » précise Bohm Sougouli, du consortium transfrontalier, membre du COAD PF

Des impacts sont déjà perceptibles, ajoute Marc Noungbaré, coordinateur de l’ONG Kpaal n’ paag, également membre du consortium transfrontalier et du COAD PF. Le projet est axé entre autres sur l’élaboration d’un répertoire de bébé non excisés dès la naissance en accord avec les parents, le dépistage des filles victimes de la pratique en vue d’une prise en charge et l’organisation des séminaires de reconversion, avec la participation des exciseuses, des parents et des victimes et enfin l’organisation des symposium à l’endroit des gardiens de la tradition. »
Depuis 2021, 175 bébés ont étés enregistrés dans les préfectures de Kpendjal et Kpendjal-ouest et 120 dans la préfecture de Cinkassé. Ces enfants seront suivis régulièrement afin de s’assurer qu’elles ne seront pas excisées. Pour les victimes dépistées, des soins de réparation leur sont administrés dans des hôpitaux spécialisés dont celui de Léo au Burkina Faso, Tanguiéta au Bénin et Afagnan au Togo.

Renforcer les sensibilisations

Si l’on peut affirmer que le cas de Kpalmotongue est un cas isolé, il convient d’accentuer les sensibilisations à l’endroit des réfugiés. « La crise sécuritaire qui a entraîné le déplacement des populations burkinabè frontalières du Togo a sans doute empêché le déroulement normale du projet côté burkinabè. » Conclu Marc.

Informée de la situation, la direction régionale de l’action sociale des savanes a exhorté lors d’une réunion le 8 décembre, les organisations de la société civile à renforcer les sensibilisations contre la pratique.

Robert Douti

Laabali

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