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Terrorisme :  Chronique d’un retour sur les six sépulcres de Waldjouague

par Edouard Samboe - 2023-04-22 15:32:58 2795 vue(s) 0 Comment(s)

Alors que la situation sécuritaire semblait connaître une accalmie depuis quelques jours, la région des savanes vient d’être frappée à nouveau ce 20 Avril 2023 par des groupes armés extrémistes. Cette fois-ci, la contagion de l’hydre terroriste a touché la préfecture de Tône, à la frontière Nord-Est du Togo avec le Burkina Faso. Que s’est-il passé ce 21 avril 2023 à Waldjouague , village à cheval entre le Togo et le Burkina Faso à une trentaine de Kilomètre de Dapaong, chef-lieu de la région des savanes? Retour sur ces évènements douloureux qui ont emporté, six civils, plongeant le village dans une stupeur totale.

Waldjouaque ou la colline de chasse. 21 avril 2023. Matinée ensoleillée. En ce jour de ramadan, la fête de l’aïd El fitr n’a pas eu lieu. Pour cause, six villageois ont trouvé la mort dans les circonstances troublantes. Situé au sud des villages maraîchers de Diakaarga et de Djaal(Burkina), Waldjouague traverse l’histoire la plus triste de son existence.  Nous sommes à environ plus de 600 km de Lomé, dans ce village parsemé de karité, où jadis les chasseurs gourma s’offraient des gibiers.

Quand nos talons foulent le sol dudit village, ça sent du brulé. L’odeur des motos et des engins roulants vandalisés et brulés, y est restée. L’air est encore si lourd, dans ce village où 24 heures plus tôt, la mort y est passée.  

Sur les sentiers du villages des va-et-vient ; des parents des personnes assassinées s’y rendent afin d’assister à l’enterrement et soutenir les familles endeuillées. On ne parle que de ce drame.

On rencontre aussi, les femmes et les enfants, baluchons sur la tête qui se ruent vers les villages environnants du poste avancé de Pomona [dans les encablures du village de Walouague]. Il s’agit des futurs déplacés internes, qui abandonnent leurs terres de Waldjouague.

 Interrogées sur les raisons de leur fuite, elles répondent qu’elles ont peur des représailles des groupes armés extrémistes, malgré la présence de l’armée togolaise.

Au cœur du village, un attroupement est visible à l’entrée d’une concession : c’est le domicile de Paguindame Kombaté , l’un des boutiquiers assassinés. Sur les visages, la douleur se mêle à la peur.  L’homme avait été abattu par des extrémistes, lors de leur visite dans le village la veille.

Autour de la tombe creusée dans les champs, non loin de la maison, l’imam prononce quelques prières après l’enterrement et rapidement, l’on se disperse. Pas de salutations d’usages. L’amertume est grande dans ce village.

 On raconte que la veille, certains corps avaient été inhumés tard dans la nuit. On parle burkinabè, mais en réalité, pour les populations, ils sont de Waldjouague tout simplement, car la frontière pour eux, n’existe que dans la tête des autorités.

Waldjouague, victime de sa situation géographique ?

Installé sous un grand karité qui servait jadis de place du village, le marché de Waldjouague s’est développé très vite, avec la construction de plusieurs boutiques qui servent de lieu de ravitaillement pour les villages environnants situés de part et d’autre de la frontière.

 Sur place, le constat est alarmant, après le passage des assaillants et les dégâts parlent d’eux-mêmes : des carcasses de motos et de vélos brûlés à plusieurs endroits, les restes noircis des appâtâmes brûlés, des morceaux de bois encore fumants, des étuis de balles….

Les populations peinent à ouvrir la bouche et celles qui le font, prononcent juste un soupire. L’émotion est forte et la panique s’est emparée du village.

Alors que nous faisons le tour de quelques concessions, tout à coup, des cris se font entendre et se relaient : « ils arrivent encore, ils arrivent encore ». C’est la débandade, On court dans tous les sens.

Pourtant, les hommes de l’opération Koundjoaré sont postés partout dans le village, le regard vers l’Est, la main sur la gâchette.

La frayeur dure quelques minutes, puis l’on se rend compte que c’était une fausse alerte.  Dans les familles que nous avons visitées, chacun fait ses colis. Il faut quitter avant qu’il ne soit trop tard.

Selon les témoignages des habitants, les assaillants après avoir créé la psychose, sont passés de maison en maison pour emporter moutons et bœufs.

« Nous allons partir, nous ne savons pas si les militaires dormiront avec nous ici » explique une dame. Dehors, son mari, tranquille dans son fauteuil est ferme : Moi je n’irai nulle part. Mettez-vous à l’abri, moi je resterai ici. Écoute, mon fils, chez qui irai-je habiter ? Tous ceux-là qui fuient s’en vont sans savoir où ils seront hébergés. Moi je resterai ici » insiste-t-il.

 Tout près de sa maison, la mosquée du village est restée orpheline en ce jour de ramadan. Les villageois nous confient que le muezzin n’a plus appelé depuis la veille. Tout autour, des militaires sont visibles.

Outre les pertes en vies humaines, les dégâts matériels, l’on déplore des disparitions, des enfants pour la plupart qui dans leur fuite se seraient perdus certainement.

 Dans la cour de l’école du village, un monsieur, le téléphone à l’oreille effectue des appelles sans interruption. C’est le tâcheron en charge de la construction de l’école du village, nous apprend- t- on. L’un de ses apprentis, parti au moulin peu avant l’arrivée des hommes armés est resté introuvable jusqu’ici.

Le 25 juillet dernier, le gouvernement togolais avait exigé la relocalisation de certains village frontaliers avec le Burkina Faso. Dans la préfecture de Tône, ce sont les villages de Djakpaga, Tchiégle, Yembouate, et Boale, un village voisin de Waldjouague qui étaient concernés. Heureusement jusqu’ici, aucune de cette localité n’est inquiétée.

 Pour certains villageois, l’attaque de Waldjouague serait dû à sa proximité avec une base terroriste qui se trouverait à quelques kilomètres de l’autre côté de la frontière. L’attaque viserait, selon les dires « pour les groupes armés à se procurer en vivres et aussi en bétail qui leur sert de source de financement ». Mais difficile de la prouver.

Peu avant la mi-journée, des autorités locales sont arrivées pour témoigner de leurs compassions aux familles endeuillées, réconforter les populations et les rassurer de ne pas céder à la panique. Mais le message sera-t-il entendu ? Aux dernières nouvelles, les populations continuent de vider le village pour des localités plus sécurisées.

Robert Douti,

Laabali.tg

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