Djoatou, Enamoufouali, Tarou, Gnatou, Djanfonden, Lallabiga, Tiwouri, Sansiek, Kpembol. Tels sont entre autres, les villages togolais vidés de leurs populations dans le Kpendjal. Après deux ans d’exactions terroristes contre le nord du Togo, les populations paient le plus lourd tribut. Entre la perte de leurs terres, de leurs avoirs, de leurs bétails, certains ont même perdu la vie, alors que d’autres pour survivre, sont contraints de fuir. C’est de Énoch Sambiani, 12 ans, qui a fui les terroristes, avec sa mère veuve, et ses six frères, pour élire domicile à Gouandé, dans le nord du Bénin. Reportage.
03 mars 2023. C’est un soleil de plomb qui se couche sur l’arrondissement de Gouandé (Nord du Bénin, préfecture de Matéri). C’est un énième couché de soleil que Enoch Sambiani contemple ces trois derniers mois.
A travers ce soleil qui se couche, ce garçonnet devenu refugié en terre béninoise, vient de boucler trois mois en terre béninoise du fait de la pression terroriste. Il a quitté son village natal de Tiwori, préfecture de Kpendjal, canton de Mandouri. Un village frontalier au Burkina et au Bénin, à l’est de Mandouri, chef-lieu de la préfecture de Mandouri. Enoch Sambiani, fait partie de ces familles qui ont quitté le Togo pour élire domicile en terre béninoise. Comme lui, qui a fui avec sa mère et ses six frères et sœurs, ils sont aussi nombreux, ces togolais qui ont quitté leurs terres. Il s’agit d’une fuite de leurs terres, à cause des exactions des groupes armés. Ces groupes armés affiliés au GNIM et à Ansarul Islam écument cette partie du Nord du Togo. Ils opèrent aussi au sud-est du Burkina, et au nord du Bénin. Il s’agit des groupes extrémistes qui puisent leurs ressources au sein des populations locales. Il s’agit des groupes armés extrémistes qui pillent les bétails des civils et les menacent de mort, en cas de collaboration avec les autorités togolaises.
A Gouandé, ils sont environ 150 personnes. Des togolais, femmes et enfants qui ont fui leurs villages d’origines. Certains viennent de Sankortchogou village situé à 5 km de Sanloaga. Ce village avait été visité par les groupes extrémistes le 03 février 2023. D’autres viennent de Djanfanden, un village frontalier avec le Bénin. Il y a ceux qui viennent de Taou dans le canton de Koundjouaré. Dans l’ensemble, ils ont fui les exactions des groupes armés qui ont écumé leurs villages. C’est le cas de Sambiani Nangounabianou, 60 ans, mère 7 enfants , veuve qui a fui Tiwori et qui vit à Gouandé depuis deux mois. Elle et sa famille y vivent depuis plusieurs mois. Elle raconte : « c’est dans la peine que je suis venu ici, avec mes enfants. On a fui par ce que nos parents ont été tués ». Comme elle, ils ont nombreux à avoir vécu la même situation. Il y a de cela six mois, Sambiani kalanfei, 25 ans, berger, qui a fui Djantchogou pour venir vivre à Gouandé . Après avoir perdu son bétail, il explique « les extrémistes ont pris mes bœufs ».
Dans une autre maison, Tchali Sambian, est hébergé comme réfugié, il y a trois mois. Venu de Djanfanden, il a séjourné à Tanpangou , avant de voir chassé par les groupes extrémistes . « Ils sont venus tuer nos proches et ont fui ». Comme sept autres villages du Togo, dans ces deux villages, il n’y a plus personne. Tous les villageois ont fui. La plupart des déplacés qui ont fui ont élu domicile dans les villages et villes voisins. Il s’agit de Bagré, mais aussi de Gnallé ou Mandouri. Ceux qui ont traversé les frontières sont au Nigeria, selon leurs proches au Bénin.
A Gouandé, un arrondissement de la commune de Matéri , préfecture de Matéri , le secrétaire général H. Sambiéné, a expliqué qu’il y a plusieurs togolais qui ont élu domicile au Bénin. Selon lui, plusieurs réfugiés togolais sont dans les familles d’accueil, au soin des structures de la mairie et des ONG. Mais, lors de notre passage, on n’a pas pu rencontrer des ONG qui prennent en charge les réfugiés togolais au Bénin. Pour Youmanli Doumangue, réfugié de Souktangou à Mandouri , le gouvernement togolais à travers les élus locaux écoutent les déplacés qui vivent dans la commune de Mandouri. « A Mandouri, le maire entretien des relations avec les PDI restés sur place », a-t-il relevé.
« Ils égorgent nos garçons. On risque de mourir, sans avoir nos enfants nous enterrer »
« Quand ils viennent, ils ne s’apprennent pas aux vieilles personnes. Ils égorgent nos garçons. A cause de cela, nos garçons fuient. On risque de mourir, sans avoir nos enfants nous enterrer. Pourtant, on accouche pour que nos enfants nous enterrent à notre mort », indigne la vieille Sambiani, doyenne de la famille Sambiani qui a fui Djantchogou. La doyenne de la famille des Sambiani, 67 ans est depuis bientôt deux mois, une réfugiée togolaise au Bénin. Elle vit dans l’arrondissement de Gouandé, préfecture de Matéri, au nord du Benin, soit 63 km de Mandouri (la ville togolaise la plus proche).
Native de Tiwori, un village du canton de Mandouri, préfecture de Kpendjal, cette veuve de sept enfants et de nombreux petits enfants a été contrainte de fuire la terre de ses ancêtres. Loin de chez elle, elle y garde de nombreux souvenirs, surtout les plus douloureux. Aujourd’hui, elle vit dans une famille d’accueil, dans les conditions précaires, qu’elle ne s’était jamais imaginée. Elle fait partie de plusieurs dizaines de togolais, qui ont fui leurs villages à cause des exactions armées pour élire domicile au Bénin.
Aujourd’hui, ils sont estimés à plus d’un millier dans les villes du nord du Benin. Ils viennent du nord du Togo, dans la préfecture de Kpendjal. Aujourd’hui, loin de chez eux, ils vivent une situation précaire. Mais ils rêvent de revenir dans leurs villages d’origines. Pour ces populations, l’implantation d’une base militaire seule, peut leur permettre d’y retourner.
Edouard Kamboissoa Samboé
Laabali.com