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Togo: Koundjouaré, l’épicentre d’une crise humanitaire grandissante

par Curtis Curtis ADODOH - 2022-11-14 15:03:34 739 vue(s) 1 Comment(s)

Tambate, chef-lieu du canton de Koundjoaré, petite ville au nord-est du Togo, région des Savanes accueille plus  4175 personnes fuyant les violences des groupes armés extrémistes. Six mois après les premières attaques meurtrières, la situation sécuritaire s’est améliorée. Mais la situation humanitaire marquée par la famine s’agrandit. Reportage

Déplacés de Kpekankandi en route vers Tambate, Koundjouaré, 24 juilmlet 2022, @Laabali.com/ Edouard Kamboissoa Samboé

« En ce qui concerne la sécurité, tout va bien, l’Etat a tout fait. Mais on a faim», s’alarme Nanmangue Tambate, enseignant de profession, et natif de la localité. Il fait lui-même partie des personnes déplacées internes.  « Suite à la dégradation de situation sécuritaire liée aux attaques des groupes armés terroristes, dit-il,  ma famille a quitté notre village de Kpékankandi pour élire domicile ici, à Tambate». Namangue et les siens ont fui le 24 juillet 2022. Dix jours plus tôt, dans la nuit du jeudi 14 au vendredi 15 juillet, des groupes extrémistes ont égorgé plus d’une dizaine de villageois de Kpembol, Blamonga, Kpekankandi, Lalabiga, des localités environnantes.

A la suite de ces assassinats, « les assaillants avaient menacé de revenir dans les prochains jours et s’en prendre à ceux qui ont collaboré avec les autorités pour que leurs bétails soient saisis», se remémore la femme du chef du village de Blamonga, égorgé ce jour-là.

Un précédent…

Début mai, huit soldats togolais d’un avant-poste des éléments d’élites de l’opération Koundjaoré avaient été tués et treize autres, blessés, au cours d’une attaque terroriste. L’armée avait annoncé avoir tué une quinzaine d’assaillants. Quelques jours plus tard, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM ou JNIM selon son acronyme arabe, coalition affiliée à Al-Qaïda) avait revendiqué cette attaque, tout en expliquant avoir perdu des hommes et saisi du matériel de guerre.

Face à cette logique d’attaque meurtrière le gouvernement a demandé aux populations civiles desdites localités de quitter la zone. Dans la journée du 24 juillet 2022, les habitants de Blamonga, Tambima, Sankpartchagou, Kempbolé et Sanloaga ont ainsi abandonné leurs biens pour élire domicile à Tambate, chef-lieu du canton de Koundjoaré, un voisin de voisin. A l’époque la désolation et la panique s’étaient emparées des cœurs.

 

C’était la première fois que le Togo abritait un premier déplacement massif de population à la suite d’une incursion de groupe armé terroriste. Un flot d’animaux domestiques, charrettes, femmes et enfants avec leurs bagages sur la tête envahissaient alors les rues en direction de Koundjaoré.

Engrenage d’une situation humanitaire

Résultat, la plupart des villages, et notamment Kpembolé et Blamonga, se sont vidés. «Comme ils avaient menacé de revenir s’en prendre aux hommes, nos maris et nos fils ont fui pour aller dans les autres villes et pays», explique une femme âgée qui a perdu son fils, étudiant à Blamonga.

En majorité des cultivateurs, les villageois dans leur fuite ont dû abandonner leurs champs. Sans pouvoir terminer les travaux d’entretien, ni même engager les récoltes précoces. Menuisier à Sanloaga, Issouf Lallé explique : « j’ai laissé mon atelier , alors que j’ai trois femmes et six enfants, c’est devenu difficile». Certains paysans tentent toutefois de rallier leurs champs à l’aube pour récolter ce qui peut l’être, et regagnent le soir la ville de Koudjoaré.

Peu après l’attaque meurtrière, le diocèse de Dapaong, chef-lieu de la région des savanes, au nord du pays, avait appelé à une «assistance humanitaire après avoir recensé 3590 personnes déplacées». Dans la foulée, des contributions ont été réceptionnées au profit des déplacés internes. Pour les villageois, il « s’agit des bonnes volontés qui sont venues avec des aides en nourriture, habits, mais le besoin demeure urgent».

Aujourd’hui, ils sont nombreux à avoir tout quitté pour sauver leur vie. Arrivés à Koundjoaré, ils n’ont pas pu se réinventer en poursuivant leurs activités économiques. « Aujourd’hui, nous avons la paix, mais on n’a pas à manger, ni à travailler», s’inquite Laabli Yemtema, cultivateur venu de Kpekankandi qui vit depuis le 24 juillet à Koundjoaré.https://youtu.be/JBOEdz4Q_-c

La majorité des déplacés rencontrés comptent sur le gouvernement togolais pour assurer la sécurité de la région. « L’armée est là, l’Etat fait des efforts pour assurer notre sécurité», dit un commerçant du marché de Koundjoaré. Mais entre autres préoccupations, figure celle de l’école des enfants déplacés internes. « A l’école primaire de  Djabdjoaré, 322 élèves, tous déplacés internes ont été enregistrés, mais il faut construire urgemment des tentes pour les abriter. On a aussi 197 élèves déplacés internes venus de sankartchagou qui sont inscrits l’école groupe B de Koundjaoré et d’autres élèves sont inscrits à l’école  groupes A koundjaoré. Mais le besoin est énorme», nous confie une source locale.

Pour le gouvernement, au total « 789 ménages représentant 4175 personnes déplacées (ont été) recensés. Des appuis en vivres et en non vivres ont été apportés à 682 ménages, les 107 ménages restants ayant quitté les sites de regroupement au moment de l’opération. Lors de la seconde phase de l’opération de soutien, 237 ménages qui étaient toujours sur le site ont encore bénéficié de vivres. Par ailleurs, des équipes techniques composées de psychologues et d’agents sociaux ont été déployées sur le terrain pour assurer une prise en charge psychologique aux victimes. Enfin, des dispositions ont été prises pour la scolarisation des élèves déplacés dans les écoles des préfectures d’accueil. Afin de renforcer les infrastructures de ces écoles, des salles de classes sont en construction par les services dédiés. De manière spécifique, neuf enfants orphelins (5 filles et 4 garçons) ont été inscrits dans des établissements d’excellence».

Depuis les événements, l’armée a  déployé un contingent massif le long de la frontière avec le Burkina, à partir de Pogon, en passant par Yamadjoaga, Blamonga, Koundjoaré, Bamboré, Nagré, Mandouri jusqu’à la frontière avec le Bénin. Ce demi-cercle a permis de contenir l’avancée des groupes extrémistes et des villages assiégés comme Kpembolé et Lalabiga ont été libérés. Toutefois, les villageois ont noté des échanges de tirs entre les militaires togolais et les groupes extrémistes jusqu’à la mi-septembre. Ce qui a occasionné explosion d’une jeep de l’armée togolaise sur une mine au cours de laquelle le gouvernement a reconnu des militaires blessés, courant août 2022. Les populations confirment que plusieurs terroristes ont été abattus par l’armée et que des bases temporaires ont été démantelées. La situation est sous contrôle de l’armée togolaise qui a établi des points de contrôles tout en parcourant les villages pour imposer l’autorité de l’Etat. De l’observation des deux derniers mois, les villageois pensent qu’il y a un retour progressif à la paix. Mais la situation économique est précaire avec un impact sur la vie sociale et l’avenir de la localité.

Plus de 4 mois dans la ville de Koundjoaré, la question de retour dans leurs villages d’origines se pose. L’espoir de revoir leurs maisons et d’y habiter définitivement compte pour ces déplacés. Mais ce retour reste conditionné par le retour de une paix durable dans leurs localités d’origine.

Edouard Kamboissoa Samboé

Laabali.com

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