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Galamsey ou Gala: L’orpaillage à l’origine de familles monoparentales dans les Savanes

par Edouard Samboe - 2025-03-30 22:26:03 364 vue(s) 0 Comment(s)

La pauvreté n’a pas que des conséquences économiques au Togo. Elle pèse sur l’équilibre des familles, surtout des foyers monoparentaux, où le père ou la mère sont absents en raison de la course effrénée à l’orpaillage. Faire de d’argent hic et nunc, malgré les conséquences sur l’équilibre familial. « Gala », « Galamsey » ou « Galamassy » ou la conquête des sites d’orpaillages ghanéens ou ivoiriens. De Bantambouaré à Boulkougue, les familles monoparentales se multiplient, malgré les grandes bâtisses issues de l’argent de l’orpaillage.

L’horizon du couchant amorce sa fin à l’ouest des Savanes. Il est 17 GMT, ce 15 Mars 2025. Jadis, à cette époque, les félins de la fosse aux lions faisaient peur aux femmes venues chercher du bois. De nos jours, il n’en est rien.  A Napiembougou ou « là marre du bœuf blanc », première localité jouxtant la fosse, dans les familles, le bruit des coups de pilon et la fumée que dégage le bois de chauffe ne rappellent pas encore que l’heure soit à la préparation du dîner. Pourtant, la nuit tombe sur la tanière du lion. C’est dans ce tintamarre des insectes de la faune que Léné Doubik, 32 ans révolus, apparait avec un fagot de liane sur la tête. Sur la seule voie qui l’emmène dans sa maisonnée, elle délie la langue : « Mes enfants sont seuls chez moi ; l’ainée doit avoir déjà puisé l’eau ; à mon arrivée, on cuisine, on mange et on dort ». A peine arrivons-nous devant une cour sans portail, deux jeunes filles assises sur une natte font la causette. L’une d’elles, 8 ans, Gisèle Doubik nous accueille. Le pagne noué à la hâte, le regard fuyant, elle nous installe sur un tronc d’arbre.

Cette ressortissante de Barkoissi, préfecture de l’Oti vit là, depuis 4 ans et a, à sa charge ses trois enfants dans une concession de deux bâtiments à 6 pièces. En l’absence de son mari, parti en aventure, la vie est un combat quotidien, et, elle en est la combattante. « Mon chéri et moi vivions ensemble pendant 8 ans. Mais, il est parti et je ne l’ai plus revu, cela fait 4 ans”, nous apprend-elle, sans l’once d’une complainte.  Selon ses propos, son mari victime de la pauvreté s’est éloigné de sa famille pour le Ghana, à la recherche de l’or. Alors quand la benjamine Doumbiéni lui demande presque régulièrement où est son père, Léné lui répond qu’“il est à Lomé et qu’il va lui ramener une voiture et des cadeaux”. Pourtant, Léné m’explique que c’est en compagnie d’autres hommes de son quartier, que son mari est allé dans les sites d’orpaillage. Déjà marqués par la situation humanitaire qui touche l’extrême nord-est de la région des Savanes, du fait du terrorisme, certains parents, éprouvés par la pauvreté, doivent combler l’absence de leur conjoint ou conjointe dans les maisons.

 L’histoire se répète à Kountoumbongue, un quartier périphérique à la sortie nord de Dapaong. Des hommes ou des femmes vivent cette situation similaire. Quand on est seul avec des enfants, la vie est un défi à relever chaque jour. Une monoparentalité qui brise des stéréotypes.  Les hommes qui jouent le role de leurs femmes et vice versa. A Korbongou Blimpo Maaba, 36 ans, lui, appelle régulièrement sa femme au téléphone pour que ses deux enfants puissent converser avec leur mère. Séparé d’avec sa femme depuis deux ans à la suite d’une bagarre, explique Blimpo « cette dernière a rejoint un site d’orpaillage en Côte d’Ivoire ». Depuis là, elle n’a pas manifesté un signe de retour.

Au sud de Dapaong, dans le quartier Bantambouaré, c’est Baman Bartieme, qui porte son jeune garçon sur sa moto. Sa jeune épouse a rejoint le Ghana à la recherche de l’or. Lorsqu’il explique, il emploie le concept « Gala » pour désigner l’orpaillage clandestin. Pour lui, faire de l’orpaillage, cela rime avec la mort. Il s’en inquiète « il se pourrait qu’elle ne me revienne plus ». Depuis le départ de cette dernière, en 2021, Baman explique qu’il est devenu « autant la mère et que le père du gamin ». Une situation qui bouleverse les stéréotypes dans une société marquée par la division des taches. Celui-ci ajoute que c’est lui qui lave l’enfants et prend soin de lui. Ce qui n’exclut pas , qu’il aille voir ailleurs, auprès d’une autre femme, pour combler le vide né de l’absence de sa femme.

Une situation aux conséquences multiples

Malbelingué  Doubiague assise à l’entrée d’une belles concession clôturée cache la réalité à Boulkougue, un quartier au centre de Dapaong. Elle explique être à bout de souffle à cause de l’absence de son mari. La main au menton, accompagnée de soupirs et elle nous explique n’avoir plus de nouvelles de son mari, parti au Ghana depuis six ans. “Nous avons toujours vécus ensemble depuis plus de plus de 10 ans. Mais cela fait 6 ans que je n’ai plus véritablement de nouvelles, même au téléphone je n’ai pas de ses nouvelles. Il semble qu’il est orpailleur toujours au Ghana, mais il ne me contacte plus. Je ne sais pas ce que je vais dire aux enfants. J’ai assez menti aux enfants. Aujourd’hui, je n’en peux plus. Il m’a bâti une maison, mais je ne veux pas la maison sans lui. Comment vivre dans une belle maison sans amour ? », se lamente-t-elle. Seule pourvoyeuse de ressources de la maisonnée de cinq enfants, Malbélingue a pendant un temps vendu du Tchakpalo (boisson locale à base du sorgho), avant de s’engager de la vente de Akpama (peaux de bête assaisonnée). “Le commerce des Akpama ne marche plus, Je vends donc du Sodja pour avoir de quoi faire les petites dépenses de la maison”, note-t-elle. Devant l’impuissance d’assurer l’école par faute de moyens de ses enfants, elle a expliqué avoir orienté certains enfants vers l’école CREFP pour l’apprentissage de métiers tels que la maçonnerie et le carrelage.  Aujourd’hui, elle est convaincue qu’elle est à la fois « homme et femme pour mes enfants. Mais je sais que leur Papa leur manque ».

A Gnalibagou ou le basfond du mil précoce », Angèle Soaka qui gère ses trois enfants, depuis le voyage de son époux vers le site d’orpaillage du Ghana, confie « un homme est important. Mon mari me manque. Des fois, j’ai envie d’aller voir ailleurs. Mais je me retiens à cause de mes enfants. Si je le fais, quel exemple devrais-je donner à mes enfants ? Une femme infidèle ? je n’en veux pas », se rassure-t-elle. Au quartier Djangou, Mamouna Laré est devenue serveuse par la force des choses. Son mari absent, depuis trois ans, elle s’est décidée de jouer le rôle de l’homme. “Les enfants ont besoin d’autorité. J’élève la voix comme leur père pour dire quand ça suffit. Mais si mon mari était là, je sais que j’allais souffrir moins » s’inquiète Maimouna Laré.

 J.B Kombaté, 28 ans révolus vient de se marier, soit un mois après son retour de Galamasey en terre ghanéenne, il explique « Galamsey ou Galamassy ou l’orpaillage devient un phénomène social qui permet aux jeunes des Savanes de se nourrir dans une région déjà pauvre. De l’argent récolté dans les sites d’orpaillage des pays voisins, ils se marient, bâtissent leurs maisons et créer leurs entreprises. Cependant, c’est un métier exigeant, qui demande beaucoup de temps et d’espace pour être rentable. Pour se faire, les jeunes quittent leurs familles pour un temps long, loin de leurs terres. Nombreux reviennent riches, d’autres reviennent appauvris après avoir contracté des maladies ou consommé des stupéfiants ».

Comme lui, ils sont nombreux ces jeunes de la région, sans emplois et sans avenir, après la formation scolaire ou de métier, croient que leur destin se trouve dans les sites d’orpaillage. Ces dernières années, plusieurs jeunes des cantons de Tonte, Yamyanne, Lotougou, Tami, Warkambou, Yambouri, Nassiette , Nano, etc. , ont été chassés des sites d’orpaillages du Ghana et de la Côte d’Ivoire. En 2024, L’opération Halt lancée par le Ghana était de garantir la cessation immédiate de toutes les activités minières légales ou illégales. D’ailleurs, le 5 mars dernier, 26 togolais tous des orpailleurs avaient été arrêtés par les forces de polices ghanéennes. Aussi, des tensions sont légion autour desdits sites miniers, alors que la crise sécuritaire a démontré qu’elle pouvait s’exacerber autour des sites d’exploitations illégales des ressources naturelles, à l’instar du Burkina Faso.

Alors que le crépuscule du mois de Mars pointe dans l’horizon des vastes paysages des Savanes, sur la principale voie d’accès à la ville en pleine mutation du fait de la contribution des orpailleurs, nous laissons derrière nous des chants d’oiseaux savaniens.  A l’arrière surtout, ces enfants séparés de leurs parents et qui se battent pour maintenir un équilibre familial.

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