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Économie

Togo : Nouvelle pénurie de ciment au Nord du pays, à qui profite cette crise?

par Robert Douti - 2025-03-23 13:01:02 465 vue(s) 0 Comment(s)

Région de toutes les pénuries, les Savanes voient s’allonger la liste des produits difficiles à trouver. Après l’eau et le carburant, c’est désormais le ciment qui manque depuis près d’un mois. Entre rareté et spéculation, le ciment, dans le septentrion, est devenu un luxe. Tandis que les cimenteries peinent à produire, les distributeurs agréés brouillent les pistes et les commerçants s’enrichissent sur le dos des consommateurs. Coincés entre une offre qui s’effondre et une demande toujours plus pressante, les clients n’ont d’autre choix que de subir. Qui profite réellement de cette crise ? Plongée au cœur d’un marché sous tension.

Sous un soleil accablant, le bruit des marteaux et des truelles résonne faiblement sur un chantier presque à l’arrêt à Koni, une banlieue nord de la ville de Dapaong. Téléphone collé à l’oreille, Adam fait les cent pas, le visage crispé par la colère.

« Ce n’est pas possible ! On avait tout prévu, j’avais déjà déposé l’argent ! »

s’emporte-t-il, tentant en vain de négocier avec son interlocuteur. En face de lui, quelques ouvriers, bras croisés, attendent, impuissants. Au bout de quelques minutes, il raccroche avec frustration et lâche dans un soupir :

« Il ne peut me donner qu’une tonne sur les quatre demandées… »

Son projet de couler la dalle de sa villa tombe une fois de plus à l’eau. Malgré son anticipation et l’acompte versé, le gérant du dépôt de ciment vient de lui annoncer qu’il ne pourra pas honorer la commande. Comme beaucoup d’autres, Adam subit de plein fouet la pénurie qui paralyse les chantiers et fait grimper les prix ces derniers temps dans les régions de la Kara et des Savanes.

Tandis que les chantiers tournent au ralenti faute de ciment, l’effervescence est tout autre devant les magasins de dépôt. Chaque nouvelle livraison déclenche une ruée parfois indescriptible. À Korbongou, chef-lieu de la commune de Tône 4, devant un magasin, l’ambiance est inhabituelle en cette fin de matinée du dimanche 9 mars 2025. Un attroupement compact entoure un camion de ciment fraîchement stationné devant un dépôt. Pas besoin de décharger la marchandise, ici, tout se vend directement depuis le véhicule. En quelques minutes, le camion est vide.

« Ça fait des semaines que c’est comme ça », confie le gérant d’un air las, adossé à la façade de son magasin.

« Parfois, les clients me forcent à prendre leur argent à l’avance juste pour augmenter leurs chances d’être servis quand le camion arrivera. Mais une fois là, il n’y en a jamais assez pour tout le monde… »

Derrière lui, des clients désabusés s’agitent. Certains, malgré leur anticipation, repartent bredouilles. D’autres, n’ayant pas eu la chance de réserver, haussent le ton, accablant le gérant de reproches.

« Moi aussi, je fais ce que je peux ! » tente-t-il de se justifier, impuissant face à la colère des clients.

Ici, à Korbongou, comme ailleurs dans la partie septentrionale du pays, la pénurie de ciment est source de tensions et de frustrations.

« J’ai personnellement rencontré des difficultés pour me procurer du ciment. Après une semaine d’attente, le vendeur a finalement pu me livrer une tonne à 84 000 F. Il m’a confié éprouver des difficultés pour s’approvisionner », témoigne Jacques Pinizi, résidant à Kara.

Awandjélo : l’espoir cimenté se fissure-t-il ?

Au Togo, les régions de la Kara et des Savanes subissent souvent une pénurie de ciment. Pour trouver une solution à cette situation, la société CIMTOGO a mis en service une usine de production de ciment à Awandjélo, dans la région de la Kara, en juillet 2017. Cette nouvelle usine était perçue par le gouvernement comme une réponse concrète aux difficultés que rencontrent les populations des régions septentrionales du pays. Malheureusement, huit ans après sa mise en service, CIMTOGO-Kara révèle son incapacité à alimenter le marché de l’intérieur, et les périodes de pénuries se succèdent.

Le souvenir le plus récent date de février 2022. Alors que la région des Savanes traversait une énième pénurie de ce matériau, le ministre du Commerce de l’époque, Kodzo Adedzé, avait envisagé de « réguler l’exportation du ciment » afin de protéger les consommateurs. En visite dans la région des Savanes, il n’avait pas caché sa stupéfaction :

« C’est une contradiction, on ne peut pas livrer 65 % de la capacité de production de CIMTOGO-Kara au nord du pays et se retrouver dans la pénurie tout le temps. »

Cinq mois auparavant, en octobre 2021, les distributeurs avaient procédé à une hausse unilatérale des prix, poussant le gouvernement à brandir des menaces de sanctions.

Depuis mi-février 2025, une pénurie sévit de nouveau dans les deux régions, entraînant avec elle une augmentation significative des prix. En approfondissant les recoupements, il ressort que cette situation est liée, entre autres, à des difficultés d’approvisionnement au niveau de l’usine CIMTOGO-Kara.

Malgré sa capacité de production annuelle estimée à 50 000 tonnes par an, la cimenterie d’Awandjélo peine à couvrir une demande locale de plus en plus croissante. Parallèlement, l’annonce en novembre 2019 du groupe Dangote d’un investissement de 60 millions de dollars pour la construction d’une nouvelle cimenterie est restée sans suite. Cette usine, qui devait voir le jour au premier trimestre 2020, était censée produire 1,5 million de tonnes de ciment par an pour répondre aussi bien à la demande locale qu’à celle des pays limitrophes.

Entretenir la pénurie pour maximiser les bénéfices

Depuis l’apparition de la pénurie, les distributeurs agréés et détaillants se frottent les mains à cause des bénéfices réalisés sur la tonne de ciment vendue.

Au Togo, la distribution du ciment est confiée à des distributeurs agréés qui achètent le produit directement aux usines. Depuis octobre 2021, les prix en vigueur sont de 80 000 FCFA la tonne pour le ciment Fortia et Diamond, et de 81 000 FCFA pour Cimtogo et Cimco.

Aujourd’hui, le prix de la tonne connaît une hausse qui varie entre 10 000 et 15 000 F selon les localités. D’après nos enquêtes, les détaillants achètent la tonne de ciment à 85 000 F auprès des distributeurs agréés et la revendent à 95 000 F, voire 100 000 F, ce qui est anormal.

La difficile mission du contrôle des prix

Depuis le début de la pénurie, le ministère en charge du Commerce se bat pour faire respecter les prix en vigueur sur le marché du ciment, mais pas sans difficultés. Malgré les rappels à l’ordre et les sanctions infligées aux commerçants pris en flagrant délit de spéculation, la flambée des prix persiste.

« Nous avons été obligés de mettre la loi en avant pour les amener à respecter les prix en vigueur », explique Bassirou Djobo, directeur du commerce des Savanes.

Alors que plusieurs clients ne cachent plus leur scepticisme, les autorités assurent rester mobilisées pour réguler ce marché sous tension.

Robert Douti
Laabali

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