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« Nous, les leaders, avons mal conduit la lutte, et le peuple togolais n’est pas content. » Nathaniel Olympio

par Robert Douti - 2025-03-24 23:25:12 273 vue(s) 0 Comment(s)

Un an après sa création, le Front Touche pas à ma Constitution continue de défendre ses convictions face aux changements constitutionnels qui ont bouleversé le paysage politique togolais. Dans cette interview exclusive accordée à Laabali, le président du Parti des Togolais et premier porte-parole du Front revient sur les enjeux de la mise en place des institutions de la 5e République, sur la contestation grandissante liée à ce changement, ainsi que sur la situation socio-politique actuelle du Togo. La question de la cherté de la vie et les défis d’un pays en pleine mutation sont également abordés avec la franchise et l’engagement qui caractérisent ce leader politique. .

Laabali : Comment analysez-vous la mise en place des institutions de la 5e République ?


Je pense que tout le monde a bien compris. Le vrai problème avec cette nouvelle Constitution et cette 5e République réside dans le fait que le peuple n’a pas été consulté. Or, dans l’histoire du Togo depuis l’indépendance, nous avons connu jusqu’à présent quatre Républiques, et chacune d’elles a été fondée sur un référendum populaire : la 1re République en 1961 sous la présidence de Sylvanus Olympio, la 2e République en 1963 avec le Président Grunitzky, la 3e République en 1969 avec le Général Eyadéma et la 4e République en 1992, encore avec Eyadéma. Quatre républiques, quatre référendums. En 2024, Monsieur Faure Gnassingbé a décidé seul, avec ses alliés à l’Assemblée nationale, de remplacer la Constitution. Ce n’est ni une modification ni une révision, mais un remplacement de la Constitution par une autre, sans en informer personne. Ainsi, on prive le peuple du seul véritable droit qu’il avait encore, celui de choisir son président de la République, acquis depuis la lutte de 1992. Le peuple subit beaucoup, et il n’est pas content. Par conséquent, vous comprendrez que la mise en place de toutes les institutions de cette 5e République se fait sans l’assentiment ni l’adhésion du peuple togolais.

Le Togo se trouve dans un désordre politique parce qu’ils ont eux-mêmes hérité d’un pays politiquement divisé. Aujourd’hui, vingt ans plus tard, ils en ont fait un pays politiquement en désordre. C’est même devenu pire. Ce désordre s’ajoute aux crises permanentes que le Togo traverse depuis au moins vingt ans. Je parle des vingt dernières années, car en 2005, nous avons vécu une crise majeure avec l’arrivée de Monsieur Faure Gnassingbé au pouvoir, qui a causé un des morts selon le rapport des Nations Unies. Cette crise ne s’est pas terminée, car elle a été suivie par diverses répressions lors des contestations. La vie sociale des Togolais se dégrade continuellement, au point où une partie de la population n’hésite pas à se nourrir de riz avarié trouvé dans une décharge publique. C’est extrêmement grave.

Aujourd’hui, nous vivons dans un pays où les infrastructures ne sont plus adaptées aux besoins de la population, et les gens meurent non pas à cause de maladies incurables, mais simplement parce que la prise en charge médicale, le plateau technique, la disponibilité du personnel soignant et des infrastructures hospitalières sont insuffisants. Les gens meurent de maux dont ils pourraient guérir. De plus, le quotidien des togolais est marqué par des conditions de vie extrêmement difficiles, et la cherté de la vie rend la situation insupportable pour une grande majorité. C’est pourquoi le front « Touche pas à ma Constitution » lutte sur des questions sociales.

Nous combattons la cherté de la vie, la corruption, et l’oppression des détenus politiques, entre autres. Nous avons mené une grande campagne suite au rapport de la Cour des comptes pour les années 2020, 2021 et 2022, afin de dénoncer comment le patrimoine national et les entreprises d’État sont devenus des instruments d’enrichissement pour certains, au détriment du peuple togolais. La situation est vraiment préoccupante.

Laabali : Quelles stratégies préconisez-vous pour structurer l’opposition, qui semble aujourd’hui endormie ?

Nous n’avons pas la prétention de restructurer l’opposition. Ce n’est pas notre rôle. En revanche, nous avons décidé au sein du front « Touche pas à ma Constitution » de changer le leadership, c’est-à-dire de changer la manière dont la lutte est menée. Nous avons vécu des expériences malheureuses en 2012 avec le travail du Collectif Sauvons le Togo, et en 2017 avec l’immense travail fait par la coalition C14. Mais au final, nous avons échoué.

Et lorsque je dis « nous », je parle des leaders. Même si je n’étais pas aux premières loges, je partage la responsabilité. Nous, les leaders, avons mal conduit la lutte, et le peuple togolais n’est pas content de ses dirigeants. C’est pourquoi, il y a quelques mois, j’ai personnellement, au nom du front, présenté des excuses au peuple togolais. Cela n’a peut-être pas plu à certains leaders, mais c’est notre conviction : le peuple doit savoir que nous avons pris conscience de nos erreurs. C’est dans cette vérité que nous pouvons nous remettre en cause et prétendre proposer de nouvelles voies pour le peuple togolais.

Laabali : Le gouvernement se prépare à une révision prochaine des listes électorales en vue des élections locales quelle est votre lecture de ce processus ?

La première chose que je vais vous dire, c’est que nous dénonçons les conditions d’organisation des élections au Togo depuis 2015. Au sein du front « Touche pas à ma Constitution », nous nous opposons résolument à tout processus électoral dans les conditions imposées par le régime. Ainsi, nous n’attendons absolument rien de cette révision des listes électorales, ni des élections sénatoriales qui ont eu lieu, ni des futures élections municipales que le régime prépare avec certains alliés de l’opposition. Pour nous, c’est un non-événement. Mais face à ce non-événement, nous préparons l’opinion à chercher des moyens pour se faire entendre. Même si les manifestations sont interdites, il revient au peuple de trouver les moyens de s’exprimer pour obtenir enfin la voie qui doit être la sienne.

Laabali : Quelles sont alors les attentes du front « Touche pas à ma Constitution » et de la société civile dans le contexte actuel ?

Le front « Touche pas à ma Constitution » est composé d’organisations de la société civile et de partis politiques, mais nous ne promouvons ni partis politiques ni organisations de la société civile. Nous sommes un front citoyen, et nous menons une lutte citoyenne. Cela dit, ce que nous attendons de ce régime, c’est d’abord un changement de gouvernance, en commençant par respecter le peuple togolais, lui redonner sa dignité, et appliquer une gouvernance qui améliore le bien-être des Togolais. Les Togolais souffrent depuis trop longtemps, et leur quotidien se dégrade chaque jour. C’est pourquoi nous nous battons pour inciter le gouvernement à prendre des mesures contre la corruption et mettre fin à l’impunité qui semble régner. Trop de malversations sont identifiées avec des auteurs présumés, mais aucune conséquence. On en vient à se demander si cette impunité n’est pas un facteur d’encouragement. Nous attendons donc du gouvernement qu’il prenne en compte toutes ces préoccupations des Togolais.

Laabali : Est-ce que le Parti des Togolais ou le front « Touche pas à ma Constitution » compte-t-il présenter des candidats aux prochaines élections locales ou envisagez-vous une autre forme de participation ?

Comme je l’ai dit plus tôt, cela fait depuis 2019 que nous ne nous exprimons plus au nom d’un parti politique, nous ne faisons plus la promotion des partis politiques. Ce n’est pas par envie, mais c’est le constat d’une réalité sur le terrain. La promotion des partis politiques divise l’opposition, de même que la participation aux élections. Ces notions sont des facteurs de division. Défendre les couleurs d’un parti politique dans un environnement où l’espace civique est restreint, cela revient à mettre des bâtons dans les roues des autres, alors que nous devons unir nos forces pour mener un combat de libération de l’espace civique, un combat d’intérêt général. Une fois ce combat gagné, chaque parti pourra participer à une compétition en toute légitimité. Mais pour l’instant, il faut mettre de côté la promotion des partis politiques et défendre d’abord l’intérêt général.

Laabali : La crise de l’eau potable persiste dans plusieurs régions du pays, de Lomé à Cinkassé. Quelles propositions faites-vous en ce sens ?
En réalité, il n’y a pas de solutions miraculeuses. Tout le monde sait ce qu’il faut faire. Tout le monde sait que l’être humain a besoin d’eau potable pour vivre, et cela devrait être la priorité du gouvernement. Il n’y a pas d’eau potable, mais nous avons des cours d’eau, des possibilités de forages, des capacités d’investissement pour que les Togolais ne manquent pas d’eau. Le problème, c’est que depuis vingt ans, les investissements nécessaires n’ont pas été réalisés. Les besoins en eau des populations n’ont pas été pris en compte, et les installations existantes n’ont pas été entretenues, ce qui fait qu’il y a encore de nombreux quartiers de la capitale qui manquent d’eau potable. À l’intérieur du pays, je n’ose même pas en parler. Dans des localités comme Cinkassé, Poissongui, Nadjoundi et dans tous les cantons de la région des Savanes, le problème est identique. Il faut rappeler que c’est dans la région des Savanes que le taux de pauvreté est le plus élevé, avec plus de 70 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté. Le minimum vital leur manque. C’est un abandon pur et simple de la population.

Laabali : Et quelle est la solution ?

La solution, c’est de mettre l’accès à l’eau potable comme priorité dans la gestion de la chose publique. C’est de mettre non seulement les budgets qu’il faut pour cela, mais aussi de mettre les garde-fous pour que ces budgets ne prennent pas d’autres destinations. Ça aussi, c’est un autre problème : la corruption qui est liée à la dilapidation des ressources financières destinées à des ouvrages ou à des infrastructures publiques qui disparaissent dans la nature, et cela n’est pas sans conséquences. C’est un cercle vicieux. Tant que le gouvernement togolais ne mettra pas l’homme au centre de ses préoccupations et ne fera pas les investissements nécessaires en ressources humaines et en ressources financières pour que les Togolais vivent dignement, nous allons toujours connaître ces situations qui fragilisent la sécurité nationale, car c’est cette pauvreté à tous les niveaux qui fait le lit de l’extrémisme violent qui nous frappe cruellement. Il ne faut donc pas penser qu’il suffit d’investir dans l’acquisition des armes ; c’est vrai que c’est indispensable, mais c’est insuffisant pour endiguer ce fléau qui nous frappe tous. Bien sûr, aujourd’hui, le gouvernement nous parle du programme d’urgence qui est en cours, nous voyons cela, mais cela veut dire qu’il y a un écart important à combler. Nous pensons qu’il faut aller au-delà et ceci, pas uniquement dans la région des Savanes. Je n’invente pas la roue, des études ont été menées, que ce soit par les ONG ou par des instituts. Les solutions existent et l’approche est connue. C’est la volonté politique qui manque pour transformer cela en réalité pour les populations.

Laabali : L’affaire des 43 élèves exclus dans les Plateaux-Ouest a soulevé des débats. Que pensez-vous de la gestion de ce dossier par les autorités éducatives ?

Personnellement, j’ai été choqué à double titre. D’abord, choqué d’apprendre que 43 jeunes filles soient tombées enceintes dans le cadre scolaire, et derrière cela, j’apprends avec stupéfaction que 43 jeunes garçons ont été exclus de leurs établissements à cause de cette situation. Je pense que la solution retenue par les autorités éducatives est pire que le mal. Déjà, en devenant jeunes pères, puisque c’est de cela qu’il s’agit, ces collégiens se retrouvent dans une situation extrêmement difficile pour eux-mêmes et pour leurs familles. Il en est de même pour les jeunes filles qui deviennent des filles-mères ; c’est déjà en soi un problème pour la société, car si ces adolescents n’arrivent pas à avoir l’environnement nécessaire pour bien s’occuper de leurs enfants, ce sont des délinquants qui seront laissés dans l’espace public. Et eux-mêmes, en tant que jeunes parents, c’est leur avenir qui prend une direction inappropriée. Donc, de mon point de vue, il y a un accompagnement à faire ; ils ont plus besoin d’un accompagnement que d’une sanction. La jeune fille doit être prise en charge dans son parcours de jeune maman et, pour les garçons, même si des mesures doivent être prises à leur encontre, l’exclusion ne devrait pas en faire partie. J’estime que les établissements scolaires disposent des moyens coercitifs qu’il faut pour éduquer les jeunes élèves, car c’est de l’éducation qu’il s’agit, beaucoup plus que des sanctions. Mais quand la faute est commise, il faut sévir, mais ceci dans l’intérêt du coupable. C’est pour ça que, pour éviter ce genre de situations, il faut anticiper. L’anticipation, ce sont des programmes de formation, d’éducation sur la sexualité, sur la santé de la reproduction, sur le fait de devenir parent, ce que cela implique, etc. C’est un programme qui doit être mis en place, pas seulement contre les grossesses, mais contre toutes les conséquences des relations sexuelles entre jeunes. Il faut mettre en place un programme et, en fonction du niveau scolaire, que cela soit progressif. Je pense que c’est la solution. Je me souviens qu’il y a quelques années, il y a eu le scandale des vidéos des relations sexuelles et des dépravations en milieu scolaire. Il y a eu des exclusions qui s’en sont suivies, mais est-ce que cela a empêché qu’on se retrouve avec 43 jeunes filles enceintes cette année, sachant que chaque année, il y a environ 3000 jeunes filles qui tombent enceintes en milieu scolaire ? Est-ce qu’il faut exclure tous les 3000 garçons qui sont responsables de ces grossesses ? Peut-être que les auteurs ne sont même pas tous des élèves. C’est un problème qui est beaucoup plus vaste que ce dont on parle aujourd’hui, et c’est une solution globale qui doit être mise en place pour ces situations.

Laabali : Les Togolais crient la vie chère. Quelles mesures urgentes faudrait-il prendre pour améliorer la situation sociale du pays ?

Je pense que le Togo ne manque pas de ressources pour accompagner la vie quotidienne des Togolais. Il y a trop de déperditions de ressources à travers la corruption et la mauvaise gestion. L’État doit faire des efforts d’économies sur son train de vie, et les économies faites doivent être intégralement affectées à l’accompagnement social. L’accompagnement social consiste pour l’État à contrôler, subventionner, plafonner les prix de certains produits de première nécessité. Et les ressources qui doivent servir à subventionner doivent provenir de la bonne gestion des sociétés d’État ou de l’exploitation de nos ressources minières comme le phosphate, parce qu’aujourd’hui, ce minerai, qui constitue à lui seul 40 % des exportations du Togo, rapporte zéro franc à l’État, et c’est inconcevable. Les fonds provenant de la bonne gestion des ressources doivent pouvoir être économisés et réinjectés dans l’accompagnement social.

Laabali : Que peut-on attendre concrètement du Front Touche pas à ma Constitution dans les mois à venir ?

Le Front Touche pas à ma Constitution s’est mis en place il y a un an. Nous sommes avant tout des éveilleurs de conscience. Nous sensibilisons les Togolais sur des thèmes comme la gestion de la chose publique, la manière dont le pouvoir aborde la question de la constitution. Et pour nous, la question de la constitution ne se limite pas à son remplacement par une autre. Nous disons « Touche pas à ma Constitution », sous-entendu le respect point par point. C’est-à-dire faire en sorte que chaque Togolais puisse vivre dignement, se nourrir et se soigner correctement, garantir à chaque citoyen la liberté de réunion, la liberté de parole, la liberté de manifestation, etc. Cela signifie que les droits fondamentaux de l’homme doivent être respectés et qu’il n’y ait pas de détenus politiques. C’est tout cela, le respect de la constitution. Nous nous sommes donnés pour mission de sensibiliser et de mobiliser les Togolais pour qu’ils puissent parler d’une voix forte pour obliger les dirigeants à écouter et à tenir compte de ce que le peuple veut. Nous organiserons dans les jours à venir une conférence-débat pour faire le bilan des 20 ans de la gouvernance de Faure Gnassingbé.

Interview réalisée par Robert Douti

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