» Pour peu, mon fils serait mort derrière moi. Ce jour-là, il m’avait encore battue. Pour me sauver, j’ai fui, l’abandonnant, agonisant. » Parfois, certaines situations sont difficiles à expliquer, les mots ne suffisant pas à les décrire. Loin d’être une fiction, nous sommes devant une réalité indescriptible. Et elle est vécue par plus d’une femme, loin des regards et dans un silence retentissant.
Tamoï, née à Kotsokopé, un petit village au sud du Togo, incarne une histoire tragique et poignante. À 21 ans, cette jeune mère de deux enfants porte sur ses frêles épaules le poids d’une vie marquée par la souffrance et l’abandon. Enveloppée d’un pagne en nylon noué jusqu’à la poitrine, son corps amaigri témoigne des épreuves qu’elle a traversées. Les traits sur son front et son visage fermé racontent silencieusement une vie de luttes incessantes.
Sa mère a dû les abandonner avec ses trois frères, laissant Tamoï sous la seule responsabilité d’un père impuissant et absent. Sans soutien ni ressources, elle n’a jamais eu la chance d’aller à l’école, perdant ainsi l’opportunité d’échapper à la pauvreté par l’éducation.
De ses parents, la jeune femme n’a reçu en héritage que la misère. Mariée alors qu’elle sortait à peine de l’adolescence, elle se retrouve sous le toit de Moyème, un jeune apprenti maçon. « Depuis qu’il est devenu maître maçon, il n’a jamais ramené quelque chose à la maison. Je me suis retrouvée à me battre seule. Et quand je tente de lui faire des remarques, il me roue de coups. Il y a deux ans, il avait tenté de se suicider suite à une dispute avec moi. Et depuis, je me garde de lui réclamer quoi que ce soit, » confie la jeune femme.
Pour survivre, elle se retrouve à faire tous les boulots y compris les plus humiliants. Courant mars 2024, Simon, son deuxième fils est mort faute de soin. Ce fût une tragédie déchirante. Bébé au dos, elle devrait parcourir les champs pour ramasser les tiges de mil et les vendre afin de faire face aux ordonnances médicales mais aussi acheter de quoi manger. Cette tragédie s’ajoute à une série de violences conjugales qui l’ont poussée à fuir son domicile, abandonnant tout derrière elle pour sauver sa propre vie. La fuite de Tamoï n’était pas un acte d’abandon, mais un cri désespéré de survie. Elles sont nombreuses, ces femmes qui vivent le martyr en silence. Et pour elle, les droits de la femmes sont de vains mots. Le pire, c’est qu’elles risque de faire prospérer la précarité en transmettant à leurs enfants.
Malgré son jeune âge, Tamoï affiche une résilience et une force intérieure impressionnantes, caractéristiques des femmes qui, loin des regards et dans un silence retentissant, affrontent chaque jour des réalités indescriptibles. Sa lutte quotidienne est une lutte pour la dignité, pour la survie, et pour l’avenir de son enfant restant. Mais pendant combien de temps pourra-t-elle tenir ? Sa mère, de qui elle pouvait espérer du soutien, a un statut de réfugiée depuis deux ans. Koultchiak, le village de son nouveau mari à quelques kilomètres de Dimbéndé, a été déguerpi par les groupes armés.
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Laabali