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Terrorisme

Gnampoa Dametote: Une rescapée d’incursion terroriste, hors du commun

par Edouard Samboe - 2023-05-15 14:38:21 1721 vue(s) 0 Comment(s)

Dans la nuit du 14 au 15 janvier 2023, les groupes extrémistes visitent le village de Gnanlé. Un hameau d’environ 150 concessions, aujourd’hui vidé de sa population. Canton de Mandouri, entre Tambate et Bagré, au nord-est du Togo, préfecture de Kpendjal[Environ 730 km de Lomé, la capitale du Togo]. Lors de cette incursion, nombreux y perdent la vie, et d’autres s’enfuient. Parmi ces derniers cas, Dametote Gnampoa, 40 ans, mère de cinq enfants ; à l’époque enceinte, perd son bébé, alors qu’elle fuyait. Cinq mois, après, elle a élu domicile à Gnabadjoani, un village du canton de Namaré. Retour sur sa nouvelle vie parsemée de traumatisme.

Les derniers rayons du couchant éclairaient à peine le village, de Gnabadjoani ; et comme à l’accoutumée, des femmes et des enfants s’attroupaient autour du puits.  Ils se hâtaient pour remplir leurs cuvettes d’eau, dans ce village où, les forages sont rares. Et, comme des visiteurs, nous marchions sur ce sol qui refuse de conserver les mares d’eau, ce 14 Mai 2023. Il est 17 heures, à Gnabadjoani, un village du canton de Namaré. Des bouses de vaches qui servent à cuire le repas du soir que les enfants ramassent nous ne laissent pas indifférents. Et, au milieu de ces concessions, plusieurs familles hébergent des déplacées internes en majorité venues de Gnanlé, Enamoufali , Tarou et Djoatou (préfecture de Kpendjal). Ils ont fui leurs villages au lendemain des incursions terroristes du 14 au 15 janvier 2023. Au nombre de ceux-ci s’y trouve Gnampoa Dametote, 40 ans révolus, mère de cinq enfants. Une rescapée des terroristes, hors du commun.

Un parcours de combattant, en cette nuit fatale….

Regard perdu, visage serré, elle semblait être dans les nuages. Assise à même le sol, adossée au tronc d’un Eucalyptus qui lui offrait à peine son ombre, elle a l’air de voyager en étant sur place. Bien qu’elle nous ait vus venir, nous arrivons jusqu’ à son nez sans mériter un mot de bienvenue. Son histoire, c’est celle d’une rescapée d’une agression d’un groupe armé. Comme hier, les souvenirs lui reviennent à l’esprit. C’était le 2 février 2023. Ce jour-là, la mort est passée dans son village. Son histoire, c’est son beau-frère qui la raconte en premier.  » Cette nuit-là, nous étions dans le village et vers 21 heures, la femme du voisin est rentrée dans notre cour nous alerter que » les hommes de la brousse » sont venus attraper ses deux garçons. Nous avons pris la fuite. Ma belle-sœur, à terme de sa grossesse sentait des douleurs. Tout le monde a fui. Razak son premier fils est passé dans deux concessions pour alerter les voisins de fuir. Malheureusement dans la 3e concession, il se retrouve face aux terroristes. Tentant de s’échapper en escaladant le mur, il sera rattrapé puis abattu ».  « En travail, sa mère dans sa tentative de se sauver tombe sur le ventre. Et les douleurs s’accentuent. Après le départ des terroristes, nous l’avons conduit au Centre de Santé de Bagré (chef-lieu du canton). Elle sera référée à Mandouri pour une meilleure prise en charge. Après consultation, on nous a envoyés à Dapaong (chef-lieu de la région) pour une césarienne car la sage femme nous a expliqué que l’enfant ne vit plus ». Là, l’enfant sort mort-né, à cause du choc et de la chute de sa mère lors de la visite des hommes armés.

Djouatou est vide de sa population

Outre le choc psychologique, la dame vraisemblablement n’a pas recouvré sa santé jusqu’à ce jour, selon les propos de son beau-frère.  » Elle ne peut aller ni au puits ni aux bois depuis ces événements. Elle ne peut rien faire. » Ajoute une voisine.

 Interrogée, l’infortunée avoue qu’elle a mal dans tous le corps et beaucoup plus au niveau des articulations.  Dame Dametote à 40 ans et mère de cinq enfants traîne sa triple douleur : « celle de l’assassinat de son fils Razak, la douleur de la perte de son bébé après la Césarienne et sa santé qu’elle ne retrouve pas depuis plus de trois mois. Et cette douleur, elle la vit seule, son mari étant « allé se chercher »

Comme Dametote, elles seront sans doute nombreuses, ces personnes qui dans un silence douloureux traînent des blessures surtout psychologiques loin des regards compatissants. Et pourtant, elles doivent parler, parler pour se décharger et tenter d’oublier. La cellule de prise en charge psychologique, si elle existe, est loin de finir son boulot.

Robert Douti

Laabali

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