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Terrorisme

Résilience : Ces habitants de Waldjouaque qui résistent

par Edouard Samboe - 2023-05-05 08:27:45 828 vue(s) 2 Comment(s)

Les fidèles de l’Eglise des Assemblées de Dieu de Waldjouaque n’ont pas beaucoup dansé, ce 30 avril 2023. Dix jours, après le passage des groupes armés extrémistes [ 20 avril dernier]dans ce village d’environ une centaine de concessions, ceux qui n’ont pas fui, sont loin d’être sereins. Le souvenir de la mort atroce de leurs six concitoyens est encore prégnant. Sur les centaines de villageois qui y vivaient avant le drame, il n’en reste qu’une poignée d’individus ; la majorité est en fuite. Le passage de mort n’a laissé personne indifférent. Ceux qui résistent encore, racontent.

On ne vient pas à Waldjouague, sans heurter les pierres. L’environnement de ce village est parsemé de roches, on dirait du gravier. C’est justement dans les creux de ces cailloux que les maisons sont bâties. C’est un village d’agriculteurs et d’éleveurs. Leur marché, d’environ 20 paillotes et une trentaine de boutiques, fait l’économie, mais aussi le social. Ici, tout le monde connait tout le monde. C’est la raison pour laquelle, l’étranger est connu.

 A la première concession du village située à droite, des jeunes filles se coiffent. Un jeune homme, d’à peine 30 ans, est là. C’est sous un manguier.  A peine 50 m de là, le marché. Les impacts du passage de extrémistes sont visibles. Sur la première maison à gauche, les trous percés par les balles. C’est la concession du président du CVD (Comité villageois de développement) ; une autorité locale. Au sein de cette maison, un jeune homme est assassiné. C’est le petit frère du Président. Tout autour de ladite concession, les tirs d’un fusil d’assaut ont laissé les traces, jusqu’au toit. C’est la première maison située au sud, à l’entrée droite du village. Mais les assaillants sont venus en direction du nord. Le premier témoin raconte : « tu vois », en pointant du doigt en direction du nord-est du village, « on était au marché ici, au centre du village. Puis, ils sont arrivés, ces hommes sur les motos, des binômes, j’en avais compté environ 40 individus, des hommes ».

Le passage desdits hommes ne fait d’aucun doute. L’aspect du marché et de son pourtour en témoignent. On sent encore l’odeur du brulé, de la cendre noire, des carcasses de motos, des paillottes parties en flammes dont les centres sont visibles. On peut compter trois motos brulées avec des carcasses visibles, une grande paillote de boisson locale calcinée, en plein cœur du marché. Encore des impacts de tirs et des portes forcées contre un instrument rigide. Le deuxième témoin oculaire explique : « j’étais assis sous cet arbre, ils ont pointé l’arme sur moi, l’un a dit de m’abattre, il a appuyé sur la détente, mais la balle ne sortait pas, une fois, puis deux fois ; et ils sont partis, après avoir pillé mes portables et le reste de mon argent ». Celui qui témoigne ajoute que c’était la grâce de Dieu.

Le troisième témoin explique que les assaillants, devant la débandade générale des populations, tirent une dame, une commerçante et la blesse. Ils abattent ensuite, un jeune homme de 18 ans, qui était dans la boutique, incendient deux vélos, violentent sa mère et pillent la boutique. Ils enflamment tout sur leurs passages et traquent certains jeunes du village. Ensuite ils tuent quatre autres jeunes, brulent leurs motos et emportent le reste des motos. Ils pillent les boutiques, enlèvent de l’argent, de la bière, des vivres et s’enfuient au de-là des frontières, alors qu’ils apprennent de l’arrivée des militaires. Tout en laissant le marché du village à sang, à flamme et dans la panique. Les témoins qui s’accordent expliquent qu’ils sont traqués par les militaires jusqu’à leurs derniers retranchements.

C’est ainsi que ce 20 avril, Waldjouaque qui est ciblé pour la première fois, se vide de sa masse populaire et inscrit son nom dans les villages togolais écumés par les extrémistes. Nombreux quittent le village, d’autres partent dormir ailleurs et y reviennent pour leurs activités. La crise humanitaire nait. L’armée impose le respect et la sécurité. Ces militaires lourdement armés veillent au grain et assurent la paix dans le village, mais les blessures intérieures des villageois sont ressenties et le trauma aussi. Ceux qui ont perdu leurs proches pleurent, et ceux qui ont vu leurs besoins vandalisés s’indignent. Certains saluent les initiatives sécuritaires déployées, soutiennent les militaires et appellent de l’aide de l’Etat, alors que la saison pluvieuse annonce. « On n’a perdu nos motos alors que nous sommes des commerçants, comment faire ? », s’interroge l’un d’eux.

D’autres demandent plus de sécurité pour ne quitter leurs villages, afin de faire les champs et prendre soin des animaux. Il y en a ceux qui dénoncent le vol de leurs bétails et la perte de leurs matériels de services. La crise humanitaire s’installe peu à peu à Waldjouaque. Ceux qui quitté, certains sont loin. D’autres projettent d’en faire autant si la situation sécuritaire demeure instable. « Ceux qui ont tué nos frères, nous connaissaient, ils ont toujours là, dans la foret, non loin de la frontière, il faut vite agir », nous souffle un témoin. Mais dans le cœur du village, les militaires y sont et patrouillent nuits et jours nous expliquent les villageois.

Waldjouaque a souffert du passage des groupes armés extrémistes, mais il résiste encore, ces fils et filles y sont pour le faire vibrer au rythme de la vie, du bon vent qui y souffle. Les militaires témoignent de leurs bonnes collaborations. Et certains des paysans ont déjà débuté les cultures et espèrent que la saison hivernale qui s’annonce sera bonne. La boisson locale, le tchakpalo, boisson faite à base du mil, on y vend, et les individus se regroupent pour partager leurs joies et peines. « Nous sommes entre nous ici, on doit se soutenir entre nous, mais aussi, on veut le soutien de l’Etat, en vivres et en non vivres », nous murmure un paysan. Un autre paysan nous explique qu’après la situation sécuritaire, il faut penser à exploiter les graviers de Waldjouaque pour que le village en tire des récettes.

Edouard Kamboissoa Samboé

Laabali

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