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Terrorisme: L’armée togolaise face à la guérilla des frontières

par Edouard Samboe - 2022-11-18 02:02:01 970 vue(s) 1 Comment(s)

L’armée togolaise doit se préparer à d’autres batailles. Celles de la guérilla des frontières. L’attaque terroriste contre une patrouille des éléments de l’opération Koundjouaré, ce 17 novembre 2022, augure une nouvelle ère de cette bataille qui s’annonce. L’étape de la défense des frontières togolaises est dépassée par le stationnement passif des forces. Il faut créer un périmètre au-delà, voire aider les pays voisins à asseoir leur sécurité. Les prochains jours s’annoncent décisifs pour les forces spéciales togolaises en mission de sécurisation des 45 km de profondeur en territoire burkinabè. La bataille des mines artisanales, les embuscades et la guérilla des frontières du sud-est du Burkina et nord-ouest du Bénin ne seront pas sans péril pour les FAT (forces armées togolaises).

Jusqu’à ce 17 novembre 2022, le Togo a perdu officiellement huit (8) soldats dans son combat contre les groupes armés extrémistes. Il s’agit des militaires tombés après l’attaque du 10 au 11 Mai 2022 dans le village de Kpékankandi, canton de Koundjouaré (préfecture de Kpendjal Ouest). Une localité située à plus de 115km au nord-est du pays, proche de la frontière avec le Burkina. A cette attaque meurtrière, s’ajoutent des incursions repoussées et des explosions de mines, qui ont occasionné des blessés et des dégâts matériels. Huit (8) mois après, avec le déploiement de contingent massif à la frontière, le Togo avait jusque-là sécurisé sa frontière Est.

Une stratégie réussie, puisque les populations civiles de six villages ciblés par les terroristes, avaient été vidés, dans l’optique de permettre à l’armée d’aller à l’offensive. Les opérations offensives et de poursuites des assaillants, avaient permis aux FAT de rentrer dans certaines localités du Burkina proches du Togo, telles que Pognon-Sankoado, Botologa, Obiagou (province de Kompienga). Ces actions d’éclats et de réussites avaient donné un peu de souffle aux populations burkinabè, qui n’ont pas fui, à cause des menaces terroriste, même si la situation humanitaire s’annonce préoccupante, jour après jour.

Depuis trois mois, la percée des FAT dans ces zones avait permis de libérer les voies, de chasser les groupes qui passaient à tabac les civils, contrôlaient les pièces des passants et rackettaient les pauvres populations. Des bastions terroristes ont été détruits et une accalmie précaire avait été notée, à telle enseigne que les populations de ces localités ont salué leur efficacité et encouragé la poursuite des actions.

Des actions inscrites dans l’initiative d’Accra, laquelle invitait les pays frontaliers à l’échange des intelligences et des opérations au-delà des frontières. L’arrivée du capitaine Ibrahim Traoré a accéléré le processus, en ce sens que les FAT pouvaient opérer jusqu’aux 45 km en profondeur sur le territoire burkinabè, le long des 126 km de frontières communes.

L’attaque de Botologa redessine les cartes

C’est en route pour Obiagou sur la voix de Botologa après le village de Sankortchogou que les FAT en patrouille de sécurisation sont tombées dans une embuscade. Une première attaque violente et surprise, sept (7) mois après l’attaque de Kpekankandi. Ainsi, malgré l’absence d’un bilan officiel des FAT, des témoins parlent d’une embuscade violente qui aurait fait des victimes dans les deux camps. D’ailleurs, c’est aux environs de 17 h, le 17 novembre, six heures après l’embuscade que deux assaillants tués par les FAT ont été enterrés à Koundjouaré. Même si les FAT n’ont pas encore communiqué sur la probabilité des blessés et les morts enregistrés, il est certain, que c’est une première fois en terre burkinabè, qu’elles subissent une embuscade violente de telle nature.

Une action terroriste qui dénote l’ambition et la détermination de ces groupes hétéroclites violents qui essaiment la localité, à résister contre les forces régulières coalisées. Ces différents groupes connus comme étant des bandits, des combattants du GNIM ( GSIM), groupe affilié à Al Quaïda qui s’étaient déjà signalés, à plusieurs reprises dans la localité), les trafiquants d’or, les contrebandiers, les trafiquants de drogue, les mafieux du carburant et des espèces rares, qui ont longtemps écumé cette zone tri-frontalières au relief riche et accidenté, autrefois délaissée par lesdits Etats.

L’armée togolaise apprend désormais à ses dépens que la défense de ses frontalières doit se faire contre les actions coalisées des groupes d’intérêt de cette zone. Il s’agit d’une guérilla frontalière qui exploite les faiblesses des bordures du Benin et du Burkina pour se préparer. Tapis dans les ombres de la faune de la Kpendari, ces groupes extrémistes exploitent les affluents du fleuve Kompienga et une grande partie de la préfecture de Materi à l’extrême nord-est du Bénin qui fait jonction avec le Togo et le Burkina.

Cette guérilla frontalière a prospéré pendant trois ans à l’Est du Burkina, avant de contaminé le nord du Bénin et le Togo. L’absence de l’Etat, à travers les forces armées burkinabè, régulièrement installées, a causé le nid de ces extrémistes, qui ont pris du temps pour pousser des racines et faire des alliances. La preuve est qu’ils exploitent la bande qui lie le Burkina, le Bénin et le Togo voire le Niger.

Désormais, alors que le Togo progresse à travers sa puissance de feu, les extrémistes qui ont assis leurs présences dans plusieurs villages de la province de Kompienga jusqu’à Madjoarie, sont conscients que l’Etat burkinabè ne contrôle pas la zone jusqu’à Pama. Ils ont donc le temps de se replier pour s’organiser. Ils savent qu’ils contrôlent des pans du territoire béninois et que l’armée béninoise n’a pas encore décidé de progresser au-delà de ses frontières. Ce qui leur donne l’occasion de s’armer depuis l’intérieur de la région de l’Est du Burkina pour s’ouvrir vers le Bénin et riposter contre la progression togolaise. La non progression du Bénin vers le Burkina, constitue un frein aux actions cumulées des forces armées régulières, contre les extrémistes qui ont le temps de se repositionner.

Plus de trois ans après l’échec de l’opération Otapoanu à l’Est du Burkina, les groupes armés extrémistes qui ont conquis les villages de l’Est du Burkina sont arrivés à chasser une grande partie de la population résistante. Mais aussi, ont-ils su s’imposer aux populations restées pour les obliger à la collaboration, mais aussi à se confondre à la masse, donnant au conflit son caractère asymétrique. L’armée togolaise qui doit désormais opérer à l’intérieur de ses zones autrefois ciblées par les groupes extrémistes, doit apprendre à gagner la confiance des civils restés, pour ne paraitre pas comme, une force d’occupation, mais une force étrangère de libération ponctuelle.

Cette guérilla frontalière dont fait face le Togo aujourd’hui a déjà fait ses preuves dans la zone de Liptako-Gourma, entre le Niger, le Burkina et le Mali. Donc, sans la collaboration entre les pays frontaliers, aucun pays n’aura une sécurité pérenne, dans la mesure où, ces groupes ont des ambitions de conquêtes d’espace, et qui n’hésitent pas à s’implanter dans une zone, lorsqu’ils sont chassés d’un pays à l’autre. L’exemple de la crise djihadiste au Mozambique qui n’a pas long feu, à cause des actions coordonnées du Rwanda et de l’Ouganda, devrait servir de leçon.

En attendant, que l’armée burkinabè arrive à conquérir les espaces de son territoire maitrisé par les groupes armés extrémistes, elle a encore besoin de la collaboration des pays frontaliers, pour lesquels le Burkina Faso constitue un verrou, surtout les pays côtiers, dont le Togo, le Bénin, la Cote d’Ivoire et le Ghana.

Edouard Kamboissoa Samboé

Observateur des groupes armés extrémistes au nord du Togo,

Laabali.com

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