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Opinion

 Togo: »nous avions fait une interpellation sur le manque d’eau à Mango » Gerry Taama, politique

par Edouard Samboe - 2023-04-14 13:58:18 2784 vue(s) 0 Comment(s)

Ex officier des forces armées togolaises et homme politique, le député Gerry Taama, président du Nouvel engagement togolais (NET), parti politique qu’il dirige, depuis 2012, sort de son silence, en sa qualité de leader de l’opposition politique. Il dénonce entre autres le manque d’eau dans certaines villes du Togo,  analyse la gestion des questions sécuritaire et humanitaire, mais aussi la préoccupation des écoles sous paillottes, les prisonniers politiques et les futures échéances électorales. C’était à Lomé, il y a de cela, quelques jours. Interview.

Laabalit.tg : Vous aviez posé une question à l’occasion de la prorogation de l’Etat d’urgence, à l’hémicycle, au gouvernement, sur les attaques terroristes dans les Savanes. Etiez-vous satisfait de la réponse ?

Gerry Taama:  Vous savez, dans ce genre de situations, on ne peut que se contenter de la réponse qui est produite puisque nous n’avons pas d’éléments contradictoires sur le terrain.  Aujourd’hui nous sommes dans une situation d’urgence sécuritaire, les zones où le conflit se passe sont des zones qui sont protégées, donc on est obligé de se contenter de la réponse au cas où nous n’avons pas des éléments contradictoires. Malheureusement par rapport à ce sujet nous n’avons pas d’éléments contradictoires. Donc nous avons été obligés de nous contenter de la réponse qui nous a été donnée.

En tant que députés et militaire, dites-nous ce qui se passe dans le Kpendjal, trois ans après le début des incursions terroristes. Combien de militaires et de civils sont morts ?

Je ne peux pas. Non, je ne suis pas militaire, attention ( rires). Je suis un ancien militaire, aujourd’hui je me suis retiré. Je n’ai pas d’informations sur ce qui se passe sur le terrain. Je n’ai que les informations ouvertes que le gouvernement essaie de nous donner et éventuellement celles que les populations nous donnent puisque nous avons des représentants sur le terrain. Je n’ai pas d’information concernant le nombre de victimes. Nous aimerions peut-être bien les avoir, mais le gouvernement a fait le choix de garder une certaine confidentialité là-dessus et donc, du coup, nous n’avons pas d’informations.

Comment expliquez-vous l’absence de mission parlementaire dans la zone ?

Gerry Taama: Bon, quand on parle de mission parlementaire, il faut prendre ça sous deux angles. Le premier c’est que par exemple les députés de la zone sont régulièrement sur le terrain. On a fait le débat sur cette question à l’Assemblée nationale. Les députés que ce soient de Tône ou de Kpendjal sont souvent sur le terrain. Il n’y a pas d’absence parlementaire, en plus, vous savez, l’article 52 de notre constitution dit que le député est le représentant de la nation. Donc tous les députés peuvent aller dans la zone. Moi je me prépare à y aller dans deux semaines. Maintenant, c’est vrai que nous aurions souhaité une mission parlementaire pour apporter notre soutien d’un côté aux populations et de l’autre aux forces de défenses. Sur le fond il y a eu plusieurs fois où l’idée était très avancée, mais chaque fois quand il y a des menaces plus importantes on nous dit d’attendre parce qu’il ne faut pas non plus qu’on soit obligé de dégarnir le dispositif de sécurité pour protéger les députés. Sinon, nous sommes actuellement là-dessus, nous avons débattu avec le ministre de la Sécurité qui est favorable à l’idée. Donc j’espère que d’ici quelques temps ça se fera.

Comment expliquez-vous l’absence d’enquête parlementaire sur le nombre de déplacés internes, à Dapaong, au Benin, et leurs besoins ?

Non mais, aujourd’hui, vous savez, les enquêtes parlementaires doivent être motivées. Si les éléments qu’on nous rapporte, c’est que les populations déplacées sont prises en charge d’un côté par les habitants que je félicite d’ailleurs, c’est que pour le moment on n’est pas dans une situation d’urgence sociale dans la région, donc on ne doit pas lancer une enquête parlementaire dans la région sauf s’il y a des populations qui nous saisissent à l’Assemblée nationale pour signaler qu’ils ne sont pas bien traités.

Pour l’instant, sur les éléments qui nous parviennent même de la part des députés de la zone, c’est que les personnes déplacées sont plutôt prises en charge par les autorités compétentes et que tout se passe bien. Si jamais il y a une interpellation par rapport aux conditions de prise en charges des déplacés internes, nous n’allons pas lancer une enquête parlementaire. L’enquête parlementaire est la solution ultime. On va d’abord interpeller le gouvernement pour savoir ce qui se fait comme on le fait régulièrement et si nous nous rendons compte que le gouvernement nous cache des choses, à ce moment on peut aller à une enquête parlementaire. Mais je pense, sur les éléments que nous avons actuellement, que pour le moment on n’en est pas à ce niveau.

En tant que journaliste, nous sommes au contact de la population et nous pensons que la situation humanitaire actuelle sur le terrain est inquiétante. Je suis surpris que vous, en tant que député de l’opposition vous vous fiez à ce que le gouvernement vous raconte. Est-ce que nos populations sont suffisamment outillées pour savoir qu’ils peuvent interpeller les élus ?  Vous vous attendez à ce que vos collègues du pouvoir ou le gouvernement viennent vous dire que les gens ont faim ?

Vous savez pourquoi on parle de 4e pouvoir quand on parle de la presse. Dans beaucoup de pays y compris les nôtres, il y a eu des interpellations parlementaires à l’issue d’articles de presse. Ça veut dire que si vous aussi en tant que journaliste vous nous facilitez la tâche en faisant des reportages tels qu’ils sont, on peut s’appuyer sur ces reportages là pour interpeller ou bien au moins pour soulever le débat. Moi, tous ce qui me connaissent savent que je suis très ouvert pour soulever des débats, mais il faut soulever le débat sur la base de quelque chose. Hypothèse numéro 1 : ce sont les populations même qui nous saisissent, hypothèse numéro 2 : Ce sont des journalistes qui nous saisissent peut-être pour dire, voilà nous sommes allés faire un reportage, que ce soit avec des vidéos à l’appui puisque c’est possible de faire facilement des vidéos avec nos téléphones portables, voilà la réalité sur le terrain. En ce moment on peut s’appuyer là-dessus. Mais je l’ai dit, moi je vais aller dans deux semaines dans la zone, en dehors de ce que nous même on peut observer de nos yeux, il faut qu’on ait des éléments pour pouvoir interpeller.

A quand l’audit parlementaire sur le nombre d’établissement sous paillottes au Togo ? A Quand le l’audit sur le nombre de prisonniers politiques ?

Pour cette question je vais répondre en deux étapes. D’abord il n’est pas du ressort de l’Assemblée nationale de faire des audits. L’audit revient au ministère en charge du dossier qui peut vouloir avoir une idée. Par exemple, nous pouvons poser la question au ministère en charge du dossier pour savoir combien d’établissements sous paillotes existe-t -il dans le pays. La mission de l’Assemblée nationale de contrôler l’action gouvernementale et voter des lois. Donc il ne revient pas à l’assemblée nationale de faire un audit, mais c’est de demander au ministère en charge du dossier pour savoir combien d’établissements sous paillotes y a-t-il. Je sais qu’il y a un inventaire qui a été fait d’où le projet de 30.000 salles de classes qui est revenu maintenant à 14.000 salles de classes. Nous avons interpellé à plusieurs reprises le ministre en charge du dossier sur la lenteur de mise en exécution de ce projet, mais vous imaginez que si on veut construire 30.000 salles de classes, on peut donc peut-être par parallélisme estimer qu’il y a 30.000 écoles sous paillotes aujourd’hui.

 Sur la question des prisonniers politique, ce n’est même pas une question de l’Assemblée nationale. Moi, j’étais membre du CNAP (Concertation nationale des acteurs politiques). Nous avons travaillé durant sept mois. Les personnes qui avaient été identifiées comme prisonniers politiques par les partis politiques de l’opposition étaient au nombre de deux et ces deux personnes avaient obtenus une grâce présidentielle en janvier 2022. Depuis, il n’y a pas de la part du CNAP des personnes qui ont été identifiées comme prisonniers politiques. Maintenant, la définition même du prisonnier politique porte à caution parce que quand quelqu’un commet une voix de fait lors d’une manifestation, il casse, une vitre ou une maison, est-ce que c’est un prisonnier politique ?  Ce que je dis, c’est qu’à l’époque, on avait demandé à toutes les formation politiques et je me souviens, c’était le parti FDR qui avait cité les noms de deux personnes et ces derniers ont obtenu une grâce présidentielle en 2022. Voilà les éléments que moi j’ai. Est ce qu’il y a d’autres personnes, je n’en sais absolument rien. Maintenant s’il y en a et qu’on remonte ça à notre niveau, nous remonterons ça aux autorités compétentes.

Le NET est-il prêt pour les prochaines échéances électorales ? Vos observations ?

Un parti politique est toujours normalement prêt pour les échéances électorales puisque c’est l’essence même de son existence. Nous nous sommes ce parti-là qui continue le travail dès le lendemain des élections. Nous ne pouvons pas dire que nous sommes prêts à 100% , mais nous sommes sur les starting block depuis et nous continuons par travailler pour améliorer à chaque élection le résultat et le score du parti.

Oui, nous sommes prêts depuis la dernière élection qui est celle des élections locales auxquelles nous avons participé puisque nous n’étions pas à la présidentielle. Aujourd’hui nous sommes à la CENI, donc nous sommes dans l’organisation de ces élections. Est-ce que nous sommes satisfaits, il y a des points sur lesquels nous aurions voulu avoir peut-être satisfaction, mais il y a aussi des points sur lesquels lors du CNAP nous avons réussi à faire des améliorations. On va voir ce que ça va donner. Ces élections qui s’annoncent seront un test pour un certain nombre d’innovations que nous avons introduit dans le processus électoral.

La question de l’eau et de l’électricité est au cœur des préoccupations des populations de l’intérieur du pays. Quelles sont les propositions du net ?

Vous savez, une ville comme Kara, une ville comme Tsévié qui sont quand même de grandes villes sont aujourd’hui dans des situations de manque d’eau. Les populations de ces villes nous saisissent régulièrement. Il n’y a pas longtemps, nous-même nous avions fait une interpellation sur le manque d’eau à Mango, on m’a rapporté que cela avait été partiellement réglé. Donc, ce sont des problèmes conjoncturels que nous connaissons dans notre pays qui sont dus à la mauvaise gouvernance parce que les équipements ne sont pas bien entretenus, etc.

Est-ce qu’il y a une réponse parlementaire à cela en dehors de l’éternelle interpellation pour dire « faites mieux » ? Non, je ne pense pas. Nous savons les problèmes qu’il y a. J’ai cité deux grandes villes parmi lesquels Kara. On peut même dire que Kara, c’est le fief du président de la République, mais Kara aujourd’hui souffre de problème de manque chronique d’eau depuis une dizaine d’année. Tsévié qui est à 30 km de la capitale et qui est aujourd’hui peut-être la deuxième mégalopole de Lomé souffre d’eau depuis plusieurs années. Anié souffre d’eau. Il y a énormément de villes comme ça à l’intérieur du pays. Ce sont des problèmes que nous débattons souvent avec les responsables de la TdE (société togolaise des eaux) et les réponses qui nous sont servies, c’est que nous sommes dans des investissements qui vont aboutir même si c’est très lent.

Depuis quelques jours une partie de l’opposition togolaise semble traverser le désert avec à la clé une crise née de la participation ou non aux prochaines élections. La dynamique Monseigneur Kpodzro s’est séparé de son prélat. Pas plus qu’hier Agbéyomé Kodjo s’est séparé de son vice-président. Comment expliquez-vous une telle turbulence à la veille des élections et quelles peuvent en être les conséquences ?

Normalement, je n’ai pas vocation en tant que président d’un parti à commenter ce qui se passe ailleurs, même si j’ai déjà fait un commentaire là-dessus. Je crois que nous avions fait une expérience assez douloureuse des regroupements politiques depuis 2014 et malheureusement les regroupement politiques sont toujours très intéressés.

Il y a toujours une ou deux personnes qui rassemblent tout le monde pour atteindre son objectif personnel. Donc je pense qu’aujourd’hui que certaines formations politique de la dynamique se sont rendues compte qu’ils étaient dans une impasse parce que ne plus participer à aucune élection, vous avez posé au début une question ici, pour savoir quel était notre état de préparation puisqu’un parti politique a pour objectif de participer à des élections. Donc ne plus participer à des élections en étant sur un objectif aussi chimérique que le retour au résultat de 2020 alors que nous sommes en 2023 et que tout le monde est passé à autre chose, bon, je pense qu’il y a une sorte de retour au pragmatisme et au réalisme qui s’installe. Maintenant je souhaite à ce nouveau regroupement bonne chance et que nous puissions nous rencontrer sur le champ électoral et que chacun dans son titre de l’opposition puisse dans le respect de la différence de l’autre faire en sorte que nous puissions obtenir l’alternance dans les meilleurs délais pour notre pays.

Interview réalisée par Robert Douti

Laabali.tg

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