Dans le gourma togolais, pour la première fois, courant 2021, la présence des groupes extrémistes, lors d’une violente incursion était dirigée contre un poste avancé des Forces armées togolaises (FAT). Il s’agissait d’une attaque complexe revendiquée le lendemain par le GNIM [GSIM] (groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans). Pendant six mois, les autres exactions desdits groupes armés extrémistes qui écument cette partie du nord-est du Togo, étaient essentiellement dirigées contre les postes des forces spéciales togolaises. Mais depuis seize mois, des cas d’enlèvements et de vols de bétails sont dénoncés par les populations civiles, et souvent confirmés par les forces anti-terroristes togolaises. Une situation qui interroge sur l’identité des combattants, les mobiles d’enlèvements de bétails et les pistes d’acheminement desdits bétails enlevés auprès des civiles. Enquête sur une nébuleuse qui aime les bétails.
Dans l’après-midi du 03 mars 2023, à Djantchogou, lorsque nous arrivons à la devanture d’une troisième maison de la série de concessions désertes de ses habitants, c’est le bruit d’une moto qui nous immobilise. Un homme d’une quarantaine d’année balafré, assis sur une moto de type Huo Joé, s’avance ; aussitôt suivi par deux autres. Les visages serrés, et rapidement le ton monte par une question de type « que faites-vous devant chez nous ? ». A peine, avions-nous fini de répondre qu’ils découvrent que nous sommes des journalistes. Aussitôt, les langues se délient, la tension baisse et l’un d’eux pousse un soupire de confiance. Nous sommes à 80 km de la ville de Dapaong, chef -lieu de la région des Savanes. Mais aussi de 25 km de Mandouri, chef-lieu de la préfecture d’où est issu le village de Djantchogou.
Le premier des interlocuteurs qui se présente comme natif du village, cultivateur et éleveur pris la parole : « nous venons de Mandouri, nous vivons là-bas avec nos familles. Un mois plus tôt, nous étions ici avant d’être chassés. En un mot, on a entendu qu’on tuait et on l’a vu aussi, comme les autres villageois fuyaient, on a suivi ». Cet homme qui parle, se nomme Soumalila Touatré, et il fait partie des derniers déplacés internes de Mandouri, venus de Djantchogou. Avec, ses deux amis, qui sont aussi ses voisins, ils ont fui ensemble et reviennent ensemble à Djantchogou pour visiter leurs concessions et le reste de leurs avoirs. Alors qu’il parlait, sa maison était encore fermée par une charrette placée devant la porte.
De trois hommes, outre leurs histoires de fuites communes, il y a aussi leurs récits similaires lorsqu’il content leurs derniers douloureux événements. « Les extrémistes sont venus ici, ils avaient la force plus que nous, c’est par cette force, qu’ils ont ramassé mes 75 bœufs, je ne pouvais rien faire. Si je les retrouve un jour, Dieu merci », se souvient Soumalila Touatré. A peine, a-t-il fini de parler que son compagnon prit la parole « c’est une souffrance, comment comprendre qu’ils viennent voler nos bétails ? ils ont enlevé mes moutons aussi, ils passent par cette brousse », en pointant du doigt une zone d’arbustes. Cette zone selon lui constitue les limites frontalières entre le Burkina et le Togo. Les trois compagnons s’accordent à relater que des individus inconnus membres des groupes extrémistes sont venus arracher leurs bétails.
Un récit entendu dans plusieurs villages et souvent raconté par les villageois. Comme dans le village de Djoatou, les deux veuves avec leur enfant venu chercher du bois, l’histoire de leurs bétails non retrouvés incombe aux groupes armés. « Ils ont pris nos ânes aussi, sans compter les moutons, les chèvres et les bœufs », allègue le jeune garçon, qui y vivait en tant que cultivateur, avant de se voir contraint de partir.
A Mandouri, à Gouandé, la plupart des déplacés rencontrés s’accordent sur ces faits d’enlèvement de bétails. Pour ces villageois et villageoises aujourd’hui, en situation de déplacés internes ou réfugié au Bénin, dans leurs villages d’origines, de Lallabiga, Souktangou, Tiwori, Djanfonden, Kpembole, Djoatou, Enamoufouali « ce sont les groupes armés qui ont enlevé leurs bétails », soutient la doyenne de la famille Sambiani. Une situation qui les revolte dont ils n’ont pas de pouvoir pour faire changer les choses.
En poste dans cette partie du Togo pour lutter contre l’insécurité, depuis six mois, un officier s’indigne desdites actions ; « Ces bandits armés arrachent le bétails des populations, souvent, ils viennent nous dire, mais on les traque en vain. La dernière fois, c’était à Djoatou, un village voisin, ils sont passés ramasser tous les bœufs des villageois et s’en fuir dans la foret ». L’officier qui vécu ces phénomènes à plusieurs reprises ne cachent pas sa colère. « Ils viennent voler certainement pour aller vendre ou manger ».
Un cercle infernal grandissant….
Cela fait bientôt plus d’une année que les cas d’enlèvement de bétails des civils sont signalés. Les communautés locales et les chefs coutumiers sont arrivés à la conclusion il s’agit d’un phénomène nouveau. Le chef de Pognon, sa majesté Labdiero explique « avant il y avait des cas de vols, mais les cas d’enlèvements réguliers de nos bétails, c’est un phénomène nouveau. Et puis les populations expliquent que ceux qui viennent enlever les bœufs des populations sont armés ». Dans les villages de Banangandi et de Blamonga, ils sont nombreux ces populations qui alertent sur la perte de leurs animaux ou l’enlèvement pendant les nuits de leurs bétails.
Depuis le premier trimestre de 2022, les autorités togolaises avaient soupçonné les groupes terroristes de vols de bétails, nous expliquent les sources sécuritaires. Pour éviter des cas de financement des activités terroristes, l’armée avait interdit le trafic d’animaux, avant de procéder à la fermeture des parcs de ventes de Mandouri, Tambate, Pognon et Cinkansé. Tout comme les parcs d’animaux fermés et un contrôle strict imposé, le gouvernement a interdit également la vente des carburant frelaté. Une interdiction qui devrait contribuer à ralentir le financement du terrorisme. Également les pistes de transhumants ont été règlementés et orientées par les autorités locales et les services sécuritaires.
Dans le village de Nioupourma et de Tambimbongou et de Soktangou, les villageois expliquent que les militaires ont procédé à l’abattage de certaines têtes de bœufs pour faire entendre raison aux transhumants indélicats. Malgré tout, les populations qui vivent dans les zones d’intérêt militaires continuent d’alerter sur les faits de vols et d’enlèvement de bétails par la nébuleuse.
La préfecture de Kpendjal est une zone réputée d’élevage et de garde de bétails, mais aussi de transhumants. Depuis le début de la crise sécuritaire, l’activité d’élevage a subi un grand fouet du fait des actions armées. Le gouvernement par de plus de 59 000 déplacés qui vivent à Dapaong du fait de la fuite des zones de conflits. Les populations de plusieurs villages dont Tiwouri, Tchimouri, Blamonga, Kpembol, Sanloaga, Tarou, Lallabiga, Djanfonden , Enamoufouali alertent avoir perdu des troupeaux de bœufs, souvent enlever par des groupes armés. Lesquels groupes armés selon leurs dires, vivent dans la foret de la Kompienga (Burkina Faso). Les populations attribuent l’enlèvement du bétail aux différents groupes armés, mais aussi aux membres de certaines communautés.
Edouard Kamboissoa Samboé
Laabali.com