Pour de nombreux parents, confrontés au poids écrasant de la pauvreté, céder leurs enfants peut sembler une solution. Pourtant, cette apparente issue n’est qu’une illusion. Sous la pression des difficultés économiques et des charges familiales, certains envoient leurs enfants, souvent en bas âge, vers un avenir prometteur qui s’avère n’être qu’un piège. La majorité de ces enfants, principalement des filles, tombent dans les filets du trafic, envoyés dans des foyers où les promesses d’éducation ou de travail se transforment en exploitation domestique.
Des visages crispés, des regards fuyants, la peur au ventre : tels sont les signes visibles des souffrances traversées par ces enfants victimes de trafic. Dans la région des Savanes, cette pratique persiste, alimentant un drame silencieux. Le Burkina Faso, le Ghana, la Côte d’Ivoire, mais aussi des régions de l’intérieur du pays, figurent parmi les principales destinations. Les zones rurales sont les plus touchées, exposant ces enfants à des traitements inhumains et les rendant davantage vulnérables. Les filles, particulièrement ciblées en raison de leur capacité à exécuter diverses tâches domestiques et agricoles, deviennent des proies faciles.
À Kpembona, Nakolpo, 16 ans, fait partie des rares rescapées qui tentent de retrouver un semblant de normalité. Après trois années passées en Côte d’Ivoire, elle raconte son calvaire :
« J’ai quitté le Togo en 2021 alors que j’étais au cours moyen deuxième année. Une fois arrivée en Côte d’Ivoire, je travaillais comme nounou pour une dame avant d’être chargée de gérer sa boutique. »
Dans les familles d’accueil, les enfants sont souvent privés de leurs droits fondamentaux, subissant des traitements inhumains et dégradants. Ils manquent de nourriture, de vêtements adaptés et de temps pour se divertir, tout en étant contraints à des tâches épuisantes. Ces conditions laissent des séquelles psychologiques et bouleversent l’avenir des victimes. Nakolpo, aujourd’hui désorientée, confie :
« Je ne sais pas ce que je vais faire maintenant. Je n’ai pas envie de retourner à l’école et mes parents n’en parlent pas. Je suis totalement perdue. »
Dans le village de Nakolpo, situé dans la préfecture de Kpendjal, cette pratique est malheureusement fréquente. Elle touche également les localités voisines comme Tone. En 2021, Sankargou, élève en classe préparatoire dans une école primaire de Kaliyata, a été envoyée en Côte d’Ivoire. Depuis, elle n’est jamais revenue. Plus tôt, en 2015, les autorités éducatives de Tone-Est avaient déjoué une tentative de trafic impliquant une dizaine d’élèves âgés de 13 à 15 ans dans le village de Yemboate. Cette opération avait mis en lumière une ressortissante allemande et son complice togolais, tous deux accusés d’être à l’origine de ce trafic.
Ce fléau, qui bafoue les droits des enfants, mine également les efforts du gouvernement en matière d’éducation, en particulier pour les jeunes filles. Alors que chaque enfant devrait avoir l’opportunité de grandir dans un environnement éducatif sain, l’ignorance et les fausses promesses plongent bien des familles dans une spirale infernale.
Face à ce phénomène semblable à une traite, le gouvernement doit renforcer les mesures de lutte et les campagnes de sensibilisation, particulièrement dans les zones rurales. Chaque enfant, sans exception, mérite de grandir auprès de sa famille et de recevoir une éducation digne, pour construire un avenir meilleur.
Valentin Kolani