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« Mon père m’avait envoyé un message glaçant : si tu me vois de loin,sauve-toi avant que mes yeux ne se posent sur toi » Djanaba Amadou

par Robert Douti - 2025-01-28 15:38:57 233 vue(s) 2 Comment(s)

Quand survient cette situation, généralement, tout bascule, et souvent pour de bon. Tomber enceinte sur les bancs de l’école est un fléau qui prend aujourd’hui de l’ampleur, malgré les campagnes de sensibilisation sur l’utilisation des contraceptifs. Pourtant, Djanaba Amadou, aujourd’hui diplômée en sciences sociales et travaillant dans le développement local fait partie des rares jeunes filles à avoir pu se relever, non sans difficulté. Dans une interview émouvante, elle a accepté de nous parler de son parcours, sans tabous, offrant ainsi un bel exemple de résilience et de courage face à l’adversité.

Laabali : Pouvez-vous nous parler brièvement de vous et de votre enfance ?

Je suis née à Namongou, dans le canton de Toaga, au sein d’une famille peulh. Mon père était un paysan pauvre mais déterminé. Contrairement à la plupart des filles Peulhs de ma famille, j’ai conduit des bœufs et travaillé dans les champs, que ce soit pendant les week-ends ou les vacances scolaires.

Laabali : Avant que votre vie ne bascule au lycée, quels étaient vos rêves et projets d’avenir ?

Avant de tomber enceinte, j’avais des rêves et des projets d’avenir bien définis. J’aspirais à faire de longues études pour devenir journaliste ou faire la communication sociale. C’était plus qu’un vœu puisque je tenais beaucoup à ne pas trahir mes parents, Ce sont ces rêves qui m’ont poussé à trouver un détour devant chaque obstacle. Je n’ai jamais baissé les bras, quelles que soient les épreuves.

Laabali : Comment décririez-vous votre environnement familial et social à l’époque ?

La vie était difficile, mais nous faisions de notre mieux pour nous en sortir. Il me suffisait qu’on m’achète des sandales à 200 FCFA, qu’on paie ma scolarité, et que je dispose de ma vieille robe kaki pour me sentir prête à affronter une année scolaire entière.

Bien que nous ayons toujours eu de quoi manger, la nourriture était loin d’être abondante ou variée. J’ai vécu une grande partie de ma jeunesse, entre 5 et 15 ans, loin de mes parents, sous la garde de mon arrière-grand-mère. Même si nous partagions la même maison, je ressentais un vide. J’ai manqué d’affection de la part de mes parents
Dans ma propre famille, on me traitait souvent de folle. Peu importe la situation, j’étais systématiquement désignée comme fautive.

Laabali : Que s’est-il passé lorsque vous avez découvert que vous étiez enceinte en classe de première ?

(Soupire)Lorsque j’ai découvert que j’étais enceinte, mon premier réflexe a été de paniquer. Je savais très bien quelle serait la réaction de mon père, et cela m’a terrifiée. Tout ce que je voulais, c’était disparaître de la surface de la Terre.

J’ai passé des nuits blanches à pleurer. L’idée d’avorter m’a traversé l’esprit, mais je n’y ai finalement pas donné suite. N’ayant aucune autre option, je me suis réfugiée dans ma belle-famille avant que mon père et le reste de la famille n’apprennent la nouvelle.
Laabali : Comment votre entourage (famille, amis, enseignants) a-t-il réagi à cette annonce ?

Lorsque la nouvelle est tombée, ma famille m’a catégoriquement rejetée. Mon père m’a interdit de remettre les pieds chez nous. Mes amies m’ont également tourné le dos, et beaucoup de gens m’évitaient.

Mon père m’a même envoyé ce message glaçant : « Si tu me vois de loin, sauve-toi avant que mes yeux ne se posent sur toi. Je préfère t’égorger et aller en prison. » Il ne me pardonnait pas d’être tombée enceinte. Pire encore, le père de l’enfant était d’ethnie Moba, non musulman, ce qui représentait une offense insupportable à ses yeux.

Laabali : Quels ont été les principaux défis auxquels vous avez dû faire face à ce moment-là ?

Être maman, élève et épouse en même temps était extrêmement difficile. À midi, je devais rentrer à vélo à Toaga pour allaiter mon bébé, avant de revenir pour les cours du soir. C’était un vrai calvaire.

Le matin, tandis que mes camarades révisaient leurs leçons, je devais m’occuper de mon enfant et des tâches ménagères, ce qui me faisait souvent arriver en retard aux cours. Le soir, je finissais mes corvées tard dans la nuit, épuisée, et devais pourtant m’occuper de mon bébé avant de reprendre la routine dès l’aube.

Je me souviens aussi d’une humiliation marquante : une camarade de classe, voyant que j’avais beaucoup transpiré sur mon vélo et que des résidus de sel se formaient sur mes vêtements, s’est moquée de moi en me disant qu’elle m’apprendrait à me doucher.

Quand ma fille a eu 16 mois, je suis retournée vivre chez mes parents, qui s’étaient finalement calmés. Cependant, c’était une autre étape difficile : j’étais souvent humiliée et maltraitée. Mon père me torturait émotionnellement, et personne ne me laissait en paix.

Pour subvenir aux besoins de mon enfant, j’ai essayé de nombreuses activités : vendre du fromage de soja, des boules d’akassa, de l’igname, des amuse-gueules, etc. Cela n’a pas été facile, mais je me battais pour que ma fille ne manque de rien.

Laabali : Avez-vous pensé à abandonner vos études ou vos rêves à un certain moment ?

Malgré toutes les épreuves, je n’ai jamais envisagé d’abandonner mes études. Même si ma belle-famille m’incitait à laisser tomber pour apprendre un métier, je leur ai toujours répondu que ce n’était pas mon rêve. Je voulais réussir et m’accrocher à mes ambitions.

Laabali : Qu’est-ce qui vous a motivée à vous relever après cette épreuve ?

Mon courage a été ma principale arme. Je me suis accrochée à l’idée que je pouvais m’en sortir, quoi qu’il arrive.

Laabali : Y a-t-il eu des personnes ou des événements qui ont joué un rôle décisif dans votre reconstruction ?

Oui. Une tante venue de Lomé m’a particulièrement marquée. Elle m’avait fait asseoir pour m’encourager et m’inciter à tenir bon. Cette rencontre m’a donné le courage et l’espoir qu’il me fallait pour continuer à avancer. Ses paroles ont eu un impact profond sur moi.

Laabali : Comment avez-vous géré le rôle de jeune mère tout en poursuivant vos études ?

Ce fut extrêmement difficile, mais lorsque l’on a un objectif clair – réussir sa vie – l’opinion des autres ne doit pas nous détourner de notre chemin. À l’école, je me concentrais pleinement sur les cours car je savais que je n’aurais pas le temps de réviser une fois rentrée.

Heureusement, ma belle-mère a été d’une aide précieuse. Elle s’occupait de mon enfant pendant que j’allais en classe. Malgré cela, j’assumais mes responsabilités domestiques du mieux que je pouvais.

Laabali : Quelle est la plus grande leçon que vous avez tirée de cette période difficile ?

Peu importe les épreuves de la vie, il faut toujours s’armer de courage et s’accrocher à ses rêves. Avec de la foi et de la persévérance, tout devient possible.

Laabali : Où en êtes-vous aujourd’hui dans votre parcours professionnel et personnel ?

Aujourd’hui, je suis titulaire d’une licence en géographie. Je travaille dans le domaine du développement local, bien que trouver un emploi stable et bien rémunéré reste un défi dans notre pays.

Laabali : Quelles sont vos plus grandes réussites ou fiertés depuis cette période de votre vie ?
Ma plus grande fierté est d’avoir ma fille, et je prie pour que Dieu veille sur elle et la protège. En dépit des difficultés, je parviens à subvenir à nos besoins essentiels, même si ma situation financière n’est pas encore à la hauteur de mes aspirations.

Laabali: Avez-vous des engagements pour aider d’autres femmes ou jeunes filles dans des situations similaires à la vôtre ?

Oui, je me rends toujours disponible pour conseiller une femme ou une jeune fille traversant des difficultés semblables. Si mes moyens me le permettent, je suis prête à leur apporter une assistance, qu’elle soit morale, matérielle ou financière.

Laabali : Si vous pouviez revenir en arrière, y a-t-il quelque chose que vous feriez différemment ?

Je donnerais la priorité à mes études. Cependant, je n’éprouve aucun regret concernant mon parcours. Chaque étape, aussi difficile soit-elle, m’a permis de devenir la personne que je suis aujourd’hui
Laabali : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes filles qui font face à des difficultés similaires ?

Ne perdez jamais espoir. N’abandonnez jamais vos rêves, quelles que soient les épreuves.
Soyez fortes et optimistes. Utilisez mon exemple, et celui d’autres personnes qui ont traversé des défis similaires, comme source d’inspiration.

Laabali : Comment percevez-vous votre rôle dans la société aujourd’hui ?

Aujourd’hui, je me considère comme un modèle d’espoir et de résilience. J’essaie, à travers mon parcours, de montrer qu’il est possible de surmonter les épreuves et de réaliser ses ambitions, peu importe les obstacles.

Laabali : Y a-t-il un message particulier que vous aimeriez transmettre à travers votre histoire ?
Oui, voici mon message :
À toutes les femmes et jeunes filles, ne cessez jamais de rêver. Si une voie devient impraticable, changez de stratégie ou cherchez une autre route, mais ne baissez jamais les bras. Acceptez les difficultés de la vie sans oublier vos objectifs. Peu importe l’intensité de la douleur, ne vous laissez pas paralyser. Armez-vous de courage pour dépasser vos souffrances. Soyez ambitieuses, persévérez dans vos projets, et sachez que l’effort finit toujours par porter ses fruits. Fixez vos regards sur la lune, et si vous ne l’atteignez pas, les étoiles vous accueilleront.

Interview réalisée par Robert Douti

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2 comments

  1. Triste mais exemplaire, ton parcours est une référence. Sers en pour sauver des jeunes filles surtout à titre préventif

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