Aujourd'hui, le constat est clair , plusieurs facteurs freinent la cohésion sociale et empoisonnent le vivre ensemble. Au nombre de ces derniers figurent les problèmes liés à la chefferie traditionnelle. Une plaie béante que l'on cache mais qui mérite d'être dévoilée car dit-on souvent, " on ne combat pas le terrorisme avec uniquement que les fusils".
La region des savanes a connu des périodes troubles à cause des incursions terroristes il y'a quelques mois . Fort heureusement le chef de l'Etat et son gouvernement ne lésinent pas sur les moyens pour assurer la protection des citoyens et leurs biens . Le fruit de ces efforts sont visibles, mais le danger semble ne pas encore être totalement écarté car l'hydre terroriste est tout à fait imprévisible d'où la necessité de ne pas baisser la garde. Pour garantir cette paix, les chefs traditionnels et coutumiers doivent être des ferments de cohésion sociale. Mais très souvent, l'absence de leur neutralité politique cause problème. Face à l'insécurité, les populations se doivent de rester soudées et vigilantes. Elles doivent se fédérer autour de leurs chefs coutumiers et traditionnels. Surtout dans la région des Savanes, où ces élus coutumiers devraient être au coeur des règlements de différends sociaux.
L'impossible neutralité politique des chefs traditionnels, un vénin pour la cohésion sociale
Contestations, violences, arrestations querelles, incivisme vis-à-vis de l'autorité de l'Etat sont les ingrédients qui composent le menu lors des succesions de chefs traditionnels ou des remises de décrets ou arrêtés de reconnaissances aux nouveaux chefs dans la région des savanes.
Et ceci, depuis plusieurs années. C'est même devenu reccurent au point d'être hissé désormais au rang de coutumes. Pana, Sam-Naba, Natigou sont entre autres cantons qu'on peut citer en exemple . Très souvent, les prétendants dénoncent des fraudes lors des élections ou l'absence de consensus entre les différents candidats avant les nominations.
Véritable ferment de la cohésion sociale au Togo, la chefferie traditionnelle dans la région des Savanes a perdu l'estime et la confiance des populations qui exigent d'elle désormais une neutralité politique . " Il suffit qu'un prétendant soit le filleul d'un puissant du régime pour être imposé chef, par nomination ou par élection. Voilà pourquoi nos cantons sont dirigés par des chefs qui se font gifler par des femmes en public, des chefs qui réclament les plus gros morceaux de viande dans les funérailles, des chefs qui se font empoisonner au marché, des chefs voleurs de boeufs, etc.L'image du chef traditionnel est de nos jours suffisamment ternie dans la région" déplore un natif des savanes. "Comment voulez-vous que les populations respectent un chef qui achète des slips et des soutien-gorges au marché, un chef qui fait des disputes à cause des serveuses avec les badauds dans les maquis" s'interroge t-il.
Selon certains analystes, l'impartialité politique semble être le plan sur lequel la chefferie traditionnelle est de plus en plus un sujet à caution. D'autres observateurs considèrent la chefferie comme complice et à la merci du pouvoir en place, qui influencerait le processus d'accession au trône en sa faveur dans certaines localités. Une situation qui susciterait une certaine méfiance au sein des populations.
De la nécessité de redéfinir le statut des chefferie traditionnelle
"Le chef traditionnel est le représentant des populations qu'il dirige et en même temps , le porte parole du pouvoir central auprès de celles-ci. Élu ou nommé, suivant les règles coutumières, le chef traditionnel se présente comme un prolongement de l'administration dont la reconnaissance est indispensable pour confirmer sa légitimité.
Dans la crainte de voir le pouvoir en place prononcer sa destitution, ce dernier se laisse manipuler . Il devient une marionnette qui bouge au gré de ses supérieurs hiérarchiques administratifs" constate Marcelin Todin-yen , juriste . Face à cette situation, plusieurs chefs traditionnels pour conserver leurs trônes se resolvent à exercer beaucoup plus des fonctions largement politiques abandonnant ainsi leurs responsabilités d'agent de développement communautaire. Dans plusieurs contrées, les chefs traditionnels forts du soutien de leurs mentors ne ménagent aucun effort pour mener la vie dure à leurs prétendants malheureux ainsi qu'à leurs communautés d'origine . Cela se ressent surtout dans la résolution des conflits fonciers où des faux témoingnages sont mis à contribution pour faire triompher le mensonge sur la vérité…Ces genres d'attitudes favorisent le déchirement du tissu social et constituent une épine dans les pieds de la cohésion et du vivre ensemble.
" Les têtes couronnées devraient être interdites d'afficher publiquement leur appartenance politique en vue du renforcement du vivre ensemble. Ce n'est qu'à ce prix qu'ils pourront, grâce à leur proximité avec les populations remplir un certain nombre de fonctions surtout en milieu rural: règlement des conflits fonciers en s'appuyant sur le droit coutumier, contribuer plus efficacement à l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques de développement communautaire " propose un citoyen.
Malheureusement, ils se présentent comme de grands électeurs très courtisés par les parties politiques.
Dans un environnement sécuritaire fragile, le choix de nouveaux chefs dans plusieurs cantons de la région des savanes entre temps annoncé pour la fin novembre laisse planer l'inquiétude dans les rangs des populations.
Aux dernières nouvelles, ces élections seraient reportées sine die, une décision sage de l'autorité qui mérite d'être saluée surtout si la raison est de mieux faire les choses afin de minimiser les risques de violences.
Robert Douti
Laabali.com