L’autre moitié du ciel continue de lutter pour son émancipation, en dépit des avancées enregistrées dans la région des Savanes. Dans les zones rurales, exercer un travail de libre choix, c’est encore un défi pour certains foyers. Des réalités culturelles à la peau dure qui freinent les ambitions des mères, filles et femmes. Ce droit universel aux avantages multiples se heurte pourtant à l’égo de certains hommes. Entre des discordes dans les couples et les violences l’épanouissement de la femme est mise au ban. Une situation qui impacte négativement les femmes moins instruites. Certaines d’elles, délient la langue. Reportage.
À Dalwak, 10 km de la ville de Dapaong, côté ouest qui frôle l’unique barrage qui fournit l’eau potable à toute la ville, les femmes exercent diverses activités : vente de légumes, du Tchakpalo ( boisson locale faite à base de petit mil) des condiments… certaines d’entre elles occupent des postes administratifs ou sont contractuelles dans le centre-ville.
On en trouve aussi dans le secteur informel lorsqu’on parcourt le Togo. Elles étalent et vendent des fruits et légumes. Le long de la route nationale, elles accostent les routiers pour proposer leurs articles. De ces villes traversées telles que Mango, Cinkassé, Dapaong ou Pognon, les femmes sont au rendez-vous de l’économie. Elles se lèvent tôt, et dorment tard dans les campagnes, et, parfois, il y en a des vendeuses ambulantes. Au cœur des Savanes, c’est le travail du champ et le petit commerce qui sont les principales Activités génératrices de revenus des femmes. Nous sommes dans les zones rurales et périurbaines. En marge de ces milliers de travailleuses, se trouvent d’autres par contre qui croisent le refus des maris dans leur volonté de travailler.
« il m’a dit de laisser et vendre les légumes…… »
Poyome D. qui aide une cousine à préparer du Tchakpalo. Elle vient d’achever son contrat de Volontaire d’Engagement Citoyen (VEC); un programme gouvernemental qui recrute les femmes pour l’entretien des voiries et des édifices publics. Là, elle a exécuté un contrat de six mois. C’est durant ce temps qu’elle a perdu son foyer. Son mari, ne pouvant s’accorder que sa femme travaille loin du village ; l’a mise à la porte. Désormais, Poyome vit dans une maison de location dans ce quartier et s’en charge seule des soins et de l’éducation de sa fille de trois ans.
« Quand j’ai gagné le contrat, il m’a dit de laisser et vendre les légumes au marché. Je lui ai expliqué que le contrat ne durait que six mois. Les disputes ont commencé dans notre couple. Chaque jour, il me bastonnait à sa guise. Un jour, je suis revenu du travail et j’ai vu mes bagages dehors. ». Comme elle, de nombreuses femmes de la région croisent parfois l’autorité du mari dans la quête du travail.
A Santigou, (Oti2), Sankalpo est une agricultrice qui vit avec son mari et ses quatre enfants. Cette ressortissante de Tone est arrivée là-bas en 2019 avec son mari à la recherche des terres cultivables. Là, elle s’occupe tous les jours du champ de son mari. Comme les autres femmes de sa localité, elle aimerait faire son propre champ en dehors de celui du mari pour subvenir à ses besoins et s’occuper de ses enfants. Mais son mari n’a jamais accepté. « Quand je vois les autres femmes qui travaille pour elle-même dans les champs, les jardins ou même vendent les choses, je suis vraiment impressionné. J’ai envie de faire aussi comme elles. »
Dans ces situations, le Droit des femmes à un travail se trouve piétiné sous le regard de la société. Dans les localités de Kaliyata, Tomone, Borgou, Gando et Kountoiré, de nombreuses femmes que nous avons rencontrées ont témoigné avoir été victime au moins une fois du refus de leurs maris à leur accorder du temps pour leurs activités.
La plupart des foyers ou l’homme refuse à sa femme de travailler pour son propre compte vivent des tensions conjugales. Cette situation apparaît comme la principale cause des divorces dans la région. Elle plonge de nombreuses femmes dans un profond stress psychologique. Dans le quartier Nadégré (ville de Dapaong), Assibi est couturière. Au moment des fêtes, il y a souvent accumulation de travail. Lorsqu’elle accuse un retard au retour de l’atelier, elle est mal accueillie par son mari à son retour à la Maison. « Quand je reviens tard de l’atelier à cause du débordement du travail, mon mari ne prend pas ma salutation. Nous avons des disputes fréquentes à cause de cela. Ça me fait mal que mon mari ne me comprend pas»
Parmi les victimes de ces violences, la majorité n’est pas instruite, ce qui ne leur permet pas de s’informer sur leurs droits. Pour celles qui ont quelques notions ; le courage d’enclencher une procédure manque. Elles préfèrent garder le silence face à ces comportements qui constituent une violation grave de leurs Droits et une violence basée sur le genre. Dans la plupart des cas, le choix de travailler ou la manière de le faire n’est pas toujours laissé au libre choix des femmes. Dans bien des cas, le mari détient un droit implicite de véto. Il autorise ou interdit. Il encourage ou décourage. Il encadre, surveille, oriente. Derrière cette « autorisation » parfois consentie, se cache une pression sociale et psychologique forte qui limite l’autonomie réelle des femmes.
Il est temps de questionner profondément le rôle des hommes dans la construction de l’autonomie économique des femmes. C’est une question de justice, de développement et de dignité. Tant que certains maris continueront à exercer un pouvoir de contrôle sur le travail de leurs épouses, l’égalité des chances ne pourra être une réalité dans les Savanes. Des campagnes de sensibilisation sont nécessaires pour déconstruire ces mentalités des hommes et donner aux femmes les moyens pacifiques de se défendre.
Valentin Kolani
Laabali.com