C’est un secret de polichinelle : entre les journalistes libres et certaines autorités locales, ce n’est pas toujours le grand amour. Les relations entre ces deux partenaires sont parfois tendues : les premiers veulent exercer leur droit d’informer, tandis que les secondes invoquent leur devoir de maintenir l’ordre public, souvent par tous les moyens, et parfois au mépris du droit. C’est dans ce contexte que naissent fréquemment des tensions entre les hommes de médias et les autorités, surtout à l’intérieur du pays.
La situation est particulièrement complexe dans la région des Savanes, placée sous état d’urgence sécuritaire permanente depuis juin 2022. Les récents différends entre Radio Courtoisie de Dapaong et certaines autorités locales, abondamment relayés par la presse, semblent être à l’origine de la réaction du ministre Awaté Hodabalo.
Soucieux de préserver la liberté d’expression et de presse ainsi que l’image positive du Togo sur le plan international, le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Chefferie coutumière a pris une position ferme. Selon nos confrères de l’hebdomadaire Canal D, le ministre Awaté a adressé un courrier aux préfets pour leur rappeler la nécessité de respecter les textes régissant la régulation des médias au Togo.
« Aucune autre institution de l’État ou autorité administrative ne peut exercer les prérogatives dévolues à la HAAC, conformément aux dispositions de la loi numéro 2020-001 du 7 janvier 2020 relative au Code de la presse et de la communication, et la loi organique numéro 2021-031 du 6 décembre 2021 relative à la HAAC », a rappelé le ministre.
Cet extrait, tiré d’une note datée du 27 novembre 2024, adressée aux préfets et dont une copie a été envoyée aux gouverneurs, vise à mettre un terme aux conflits récurrents entre journalistes et autorités locales. Ces tensions impliquent parfois aussi des citoyens se croyant autorisés à jouer les gendarmes face aux journalistes. Le ministre demande notamment aux préfets de saisir la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) en cas de manquements constatés dans le fonctionnement d’un organe de presse sur leur territoire.
Cette mise au point intervient, selon Canal D, après un rapport de la HAAC signalant des ingérences de certaines autorités administratives dans les prérogatives qui ne leur reviennent pas, concernant le fonctionnement d’organes de presse régulièrement installés et exploités dans leurs localités.
Depuis plusieurs années, des journalistes, notamment dans les zones rurales, ont payé le prix de ces abus de pouvoir de la part de certaines autorités locales. Par « ignorance », ces dernières intimident, harcèlent ou menacent des journalistes que la HAAC ne trouve pourtant rien à reprocher. Dans la région des Savanes, la situation est devenue si préoccupante qu’elle a poussé l’association Gens des Médias des Savanes (GeMeSa) à organiser une rencontre entre journalistes, préfets et responsables des forces de défense et de sécurité. Malheureusement, cette initiative n’a pas empêché la persistance des violations de la liberté de la presse. Intimidations, interpellations violentes et parfois même emprisonnements ont forcé certains journalistes à abandonner leur métier, dans un climat de peur et de résignation.
La mise au point du ministre Awaté Hodabalo recadre ses administrés et leur rappelle les limites de leurs pouvoirs. Cette initiative, saluée par les professionnels des médias, contribue à ramener la sérénité nécessaire à l’exercice du journalisme, une profession qui doit toujours s’exercer dans le respect des lois et des règles déontologiques.
Robert Douti