Depuis 2023, les imprimeurs togolais sont soumis à une nouvelle réglementation : l’obligation de faire figurer les emblèmes de l’État sur les cahiers scolaires. Cette décision, présentée comme un moyen de favoriser une meilleure appropriation des symboles de la République par la jeunesse et de faciliter leur apprentissage dans les établissements scolaires, suscite cependant des réactions mitigées.
Pour certains, il s’agit d’une initiative louable, mais pour d’autres, elle frôle l’inutile, voire le ridicule.
La symbolique de l’État en question
L’initiative repose sur l’idée que les symboles et emblèmes de la République tels que le drapeau, les armoiries ou l’hymne national sont des éléments essentiels de l’identité nationale. Leur inscription sur les cahiers scolaires est perçue comme un moyen de renforcer le sentiment d’appartenance à la nation, particulièrement chez les jeunes élèves. Cependant, dans un pays où les couvertures des cahiers sont systématiquement remplacées ou recouvertes par d’autres papiers pour les protéger, cette mesure soulève des interrogations légitimes sur son efficacité réelle.
Une initiative louable mais déconnectée ?
L’idée de promouvoir les symboles de la République est en soi une initiative louable. La jeunesse doit être consciente de son héritage national, et les symboles sont des vecteurs puissants de cette conscience. Pourtant, l’application concrète de cette décision pose problème. En effet, les élèves, soucieux de protéger leurs cahiers, les recouvrent souvent de papiers colorés, de plastiques ou de films adhésifs, rendant invisibles les fameux emblèmes. L’effort éducatif semble ainsi détourné de son objectif initial, puisqu’au final, peu d’élèves pourront vraiment s’imprégner de ces symboles sur leurs cahiers.
N y a t’il pas d’autres moyens plus efficaces ?
Il est légitime de se demander si d’autres moyens ne seraient pas plus efficaces pour sensibiliser les jeunes aux symboles de la République. Plutôt que de miser sur des cahiers, dont les couvertures sont vouées à être modifiées, pourquoi ne pas explorer davantage d’autres pistes ? Des activités interactives, ou encore des événements annuels célébrant ces symboles pourraient avoir un impact plus significatif et durable. Il serait également judicieux de renforcer leur présence dans l’espace public, les médias et à travers des objets pédagogiques plus adaptés.
Une décision symptomatique d’une vision bureaucratique
Enfin, cette décision peut être perçue comme symptomatique d’une certaine vision bureaucratique des réformes éducatives. Plutôt que d’interroger les pratiques réelles des élèves et enseignants, ou d’analyser l’impact concret des mesures proposées, on impose des solutions uniformes et souvent déconnectées du terrain. En se concentrant sur des éléments superficiels, on risque de passer à côté des véritables enjeux éducatifs, comme l’amélioration des conditions d’apprentissage, l’accès aux manuels scolaires de qualité, ou encore la formation continue des enseignants.
L’obligation de faire figurer les emblèmes de l’État sur les cahiers scolaires pourrait apparaître comme une bonne idée sur le papier, mais dans la réalité togolaise, elle semble décalée par rapport aux pratiques courantes. L’intention de renforcer l’appropriation des symboles nationaux est louable, mais les moyens choisis manquent de pragmatisme et d’efficacité. Pour véritablement marquer les esprits des jeunes générations, il conviendrait de repenser la manière dont ces symboles sont intégrés à leur éducation, en optant pour des méthodes plus adaptées et engageantes.
Laabali