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Suka ou l’art divinatoire: Foi ou culture moba ?

par Edouard Samboe - 2024-08-27 13:51:55 95 vue(s) 0 Comment(s)

Le désir de connaitre ce qui est caché, de comprendre ce qui n’est pas connu ou de découvrir l’avenir par des moyens occultes, est présent chez les peuples africains. Chez les moba-Gourma, peuple du nord du Togo, chaque évènement heureux ou malheureux, lié à l’avenir, au passé et au présent, a une signification. Pour connaitre « l’incompris », il faut faire, « Suka » ou l’art divinatoire pour l’expliciter, par le moyen des ancêtres ou des génies. « Suka » devient « la découverte, l’interprétation, la trouvaille, la mise à nu » de ce qui est « caché », ce qui est « blocage », un « lien », une « chaine », au-delà de tout, ce qui cause « malheur » ou la mort. Chronique

Avant moi, existaient mes ancêtres, et avant ceux-ceux vivaient mes aïeux. Bien avant mes parents sur cette terre, mes grands-parents y étaient, comme ce fut le cas de leurs grands-parents. Et mes arrières grands-parents, tout comme mes arrières, arrières, arrières…grands-parents, jusqu’à la première génération, jusqu’à l’origine de l’humanité, jusqu’à yendutaagtua (Dieu Créateur). Pour ainsi dire, que chacun de nous vient de quelque part, qui d’ailleurs, vient d’un lieu sur cette terre, et qui aussi vient de nulle part de l’univers. Qu’on le veuille ou non, on est issu d’un point Alpha d’où nous sommes venus, comme nous sommes un point Alpha d’où viendra notre descendance. Nous sommes donc, la descendance de nos ancêtres, qui sont à leur tour, les descendants de leurs ancêtres, jusqu’au premier Homme-Ancêtre, qui vient de Yendu-Badutien (Dieu qui fait Tout).

Voilà le raisonnement banal que tiennent les tenants de la consultation divinatoire, donc « Suka ». A en croire leurs explications, le Moba-gourma est un peuple de lignée. Celui-ci tire son existence d’une généalogie ininterrompue qui est à l’origine des lignages jusqu’à la génération actuelle. Pour étoffer leurs arguments, ceux-ci soutiennent que l’amour d’un parent pour son enfant, vivant ou mort demeure intact. Puisque disent-ils, chez les moba-Gourma, la mort ne signifie pas la fin de la vie, mais le commencement d’une autre vie, celle de la vie éternelle dans la cité des ancêtres.  Après la mort, ils deviennent « Kpiyèm », ce qui se traduit par « Ceux qui sont morts ».

 Ce concept « Kpiyèm », est présent dans le culte aux morts et aux cérémonies funéraires en pays moba-Gourma. Tantôt, il s’apparente aux ancêtres, qui sont des saints « Kpiyèm Naam », ou des damnés « Kpiyèm-Biid ». Kpiyèm Naam ou l’ancêtre saint du fait de ses bons actes terrestres est présent et surveille sa descendance. Celui-ci peut continuer d’impacter positivement sa descendance par laquelle le lien de lignée est maintenue. Donc, il peut donner des directives lors du Suka, pour les sacrifices ou libations soient faites afin de conjurer le mal, ou attirer le bonheur. C’est lui qui est en contact avec Yendu-Tiedtua « Dieu qui assiste » pour que sa descendance connaisse la prospérité. Pour qu’il continue de le faire, il doit bénéficier de l’accomplissement de tous les rites funèbres faits par sa descendance, pour que son « Fuom » ou son esprit soit libre en Dieu.

C’est lui qui se charge de parler à sa famille terrestre au travers les médiums, les charlatans, les géomanciens pour que les rites soient accomplis pour attirer le bonheur. Il a aussi la charge de combattre les mauvais esprits, les esprits errants, les esprits méchants, tout ce qui est Kpiyèm-biid.

Ces derniers sont composés des esprits désincarnés, les esprits qui n’ont pas connus de repos en Dieu, les esprits vengeurs, les esprits rongeurs, les esprits anti-prospérités, les esprits des personnes assassinées, des esprits des personnes pendues, morts par noyades, tuées pendant la guerre. Il s’agit des morts non naturelles qui n’ont pas bénéficiées des rites funéraires dignes de les accompagner vers le repos éternel, qui hantent le commun du mortel. Au nombre de celles-ci s’ajoutent les personnes méchantes, des envouteurs, les tueurs, les voleurs, les violeurs qui sont mortes, et qui n’ont eu accès au repos éternel.

Même si ces Kpiyèm-biid sont aussi consultés ou invoqués au moyen des rites et des charlatans, etc pour accomplir des basse-besogne par des personnes malintentionnées, ils ne sont pas dans l’intérêt lors des consultations divinatoires.

Ce qui compte, c’est « Namble », ou « l’arrangement », « Kpaan » ou « rechercher la solution », « Paad Bombil » ou « Chasser le malheur » lors de « Suka ». L’expression «Buan Suka » qui se traduit par « consulter un charlatan ou un voyant », se remplace souvent par « Bli-Suka » ou « Toki-Djabaat » ou « suivre un charlatan, écouter un charlatan ». Puisque le concept «Djaba » , c’est-à-dire «  le charlatan », fait la consultation qu’on nomme « Djabaat ou Djabaad » pour que le consultant puisse entendre ce que disent les bons génies de sa famille et ses ancêtres en sa faveur. Le consultant quitte sa famille avec ses intentions pour se rendre chez le « djaba », à qui il demande de voir ce qui se passe dan sa vie. Il s’agit de connaitre « le caché, l’inconnu, l’avenir, le flou, le malheur, le bonheur, la pluie, la sècheresse, le mariage, la nomination ».

Le recours au « Suka » par les peuples Moba-gourma est une pratique cultuelle et culture. C’est une forme de manifestation de la foi en une parole d’un sage, soit un charlatan ou un voyant. Faire « Suka », c’est chercher une vérité de Dieu qui cachée, et qui va être révélée par un voyant. Cette croyance est ancrée dans le cœur des Moba-Gourma, à telle enseigne que malgré l’avènement de la science et la technique, plusieurs intellectuels y font recours. Ils y ont recours pour désamorcer les malheurs, forcer le destin positif à arriver, chercher une femme, fabriquer le bonheur, chercher un emploi, effectuer un voyage et trouver la paix. Les jeunes y ont recours pour forcer la chance, chercher un emploi et des opportunités d’affaire. D’autres aussi y ont recours pour bloquer leurs adversaires lors des élections politiques, attaquer mystiquement leurs ennemis, bloquer le parcours de leurs adversaires et gagner des débats.

L’histoire du recours aux magiciens, charlatans, aux voyants par le peuple Moba-Gourma, est aussi vieux depuis que  l’homme a foulé le sol Mokuani (zone occupée par le peuple moba), et s’est repandu dans l’espace terrestre actuel du Burkina Faso, du Benin , du Ghana et du Togo.

Edouard Kamboissoa Samboé

Laabali

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