Les frontières entre les Etats en Afrique, tracées selon les humeurs des colons au lendemain de la conférence de Berlin continuent d’impacter négativement la vie des populations. Hormis les frontières naturelles, la limite entre les états africains avaient été parfois tracées de façon rectiligne, ignorants les réalités ethniques et linguistiques. Et depuis toujours les populations continuent d’en faire les frais. Cas de Zitango , ce village togolais de la corne du nord, délaissé et oublié. Reportage
24 Février 2023, Cinkassé, dernière ville frontalière du Togo avec le Burkina (600 km de Lomé). Il est aussi chef-lieu de la commune dont dépend le village de Zintango . On dit de cette ville, qu’elle est une ville à vocation commerciale à la frontière Nord avec le Burkina Faso. En cette matinée du mois de février, elle s’anime déjà.
Sur la route en terre rouge ocre qui mène vers la corne du Togo, l’ambiance est particulière à cause des travaux de rénovation de la voie. Le bruit des motos se mêle à celui des engins lourds et des camion Ben, le tout dans un épais nuage de poussière. Le voyage est pénible, surtout sur une motocyclette. La situation sécuritaire dans cette partie du Togo est délétère à cause des groupes armés terroristes qui sèment la panique dans le Koulpelgo, province burkinabè, la plus proche du Togo. Les éléments de l’opération Koundjoaré veillent au grain. Les check points sont nombreux sur la voie.
Parcours de 15 km à l’ouest, nous sommes à Boadé, l’un des trois cantons de la corne nord ouest du Togo. Il forme avec Gnoaga et Goulingoussi beaucoup plus au sud-ouest et cinkansé à l’Est, la commune de Cinkansé 1. Nous sommes en pays Bissa ou Boussa, la communauté ethnique togolaise la plus nombreuse dans la zone.
Zintango, un autre Togo
À l’entrée de Boadé, une déviation à droite conduit chez le chef du canton. C’est la même voie qui se prolonge et s’achève à l’école primaire publique de la localité. De l’école primaire, on se rend à Zintango par un sentier qui traverse la prairie argileuse. La force de l’érosion hydrique a creusé le sol partout jusqu’à la rive de la volta Blanche. Cette large rivière profonde et sablonneuse fait office de frontière dans la plupart des localités au nord avec le Burkina Faso.
La traversée de la rivière, même en cette période de saison sèche, n’est pas sans difficultés pour les cyclistes et les motocyclistes à cause du sable. En période de pluie, la population est contrainte d’affronter les vagues d’eau, quasi quotidiennement, et pas sans conséquences. » Nous n’avons pas de route qui nous lie au Togo par Boadé. En saison des pluies, s’il faut amener un malade à l’hôpital, c’est la croix et la bannière. Il faut lutter contre les eaux puis après contre la boue. » Se complaint séini, le jeune frère du chef du village. » Il n’y a aucune autre solution, car même en passant en territoire Burkinabè où on peut profiter de la route bitumée, il faut contourner sur plusieurs dizaines de kilomètres avant de se retrouver à Cinkassé. » Ajoute un commerçant que nous avons rencontré au bord de la rivière.
Zintango, n’est pas le seul village togolais au nord-ouest du pays concerné le phénomène d’abandon de négligence. Ils sont légion ces petits villages togolais proches de la Volta blanche dans lesquels la présence de l’Etat n’est pas représentative. C’est le cas de warkambou ouest, derrière le lit du fleuve Volta blanche. Mais aussi de petits villages longeant le lit du fleuve. Dans plusieurs villages c’est la présence de l’Etat ghanéen qui est souvent signalée. Les villageois vibrent au rythme du Ghana, y compris les motos, les plaques d’immatriculation. L’Etat ghanéen arrive au travers de leurs agents de vaccination à procurer des soins au profit du bétail, mais aussi aux humains.
L’école primaire publique, seul symbole de la présence de l’Etat
Pour les populations de cette bande de terre coincée entre la frontière Burkinabè au Nord et la Volta Blanche au Sud, les besoins sont énormes. D’après les informations recueillies auprès des habitants, c’est en 2015 que le village a ouvert une école primaire pour soulager les peines des écoliers. « Avant cette date, tous se rendaient à Boadé , de l’autre côté du fleuve. En 2020, un bâtiment scolaire de trois salles de classes a été construit » explique monsieur Guélébou, président du Comité villageois de développement.
À part l’école, le village ne dispose d’aucune autre infrastructure. Le collège et le centre de santé se trouvent à Boadé, de l’autre côté de la rive alors que le marché de Sougrinoma se trouve derrière la frontière en territoire Burkinabè. Le pont qui devrait désenclaver Zintango se fait toujours attendre. Les collégiens doivent continuer de traverser la rivière chaque jour en saison pluvieuse. Le village dispose cependant d’une pompe à motricité humaine mais les femmes estiment que c’est insuffisant. » Ici, nous faisons beaucoup l’élevage. Il faut beaucoup d’eau pour le ménage mais encore plus pour les ânes, les bœufs, les chèvres et les moutons. » explique dame Zénabou. L’attroupement autour du point d’eau confirme ces propos. Dans la cour de l’école, il y’a également un forage à l’usage exclusif des élèves. Selon les habitants, le forage n’a été construit qu’en 2018 et avant cette date, l’eau potable ne se faisait pas cadeau.
En avril 2022, au sortir du conseil des ministres délocalisé à Timbou, le gouvernement avait déclaré que près de 10 tronçons de 150km au total étaient en construction pour relier certaines localités dont Korenzoaga, Kassou et Zintango mais pour l’instant, à zintango, on attend.
La situation sécuritaire qui avait impacté la localité de Boadé , et qui continue de sévir au Burkina Faso crée des ondes de choc dans ce village oublié le long de la Volta blanche. Mais malgré tout, la fibre patriotique continue de résonner dans leurs cœurs. En attendant que l’Etat se décide de rencontrer ces fils et filles des villages perdus ou oubliés, Zintango attend un pont et des outils de jardinage.
Robert Douti
Laabali