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Économie

Savanes : La cohabitation entre agriculteurs et éleveurs sous pression

par Edouard Samboe - 2024-09-15 19:15:30 183 vue(s) 0 Comment(s)

Dans plusieurs localités de la région des savanes, la pression sur les terres agricoles est devenue un enjeu de survie pour de nombreux habitants. Ce qui autrefois servait de pâturage pour les troupeaux est désormais envahi par les cultures. Les flancs des montagnes, les prairies, et même les espaces réservés pour le pâturage sont pris d’assaut par les agriculteurs, réduisant considérablement l’accès aux terres pour les éleveurs.

Dans cette région où agriculteurs et éleveurs cohabitent depuis toujours, les relations de bons voisinage tendent à se dégrader. Alors que les éleveurs peinent à trouver des prairies pour nourrir leur bétail, les agriculteurs continuent de s’étendre sur les zones autrefois réservées à l’élevage. « La première année que nous avons délimité les couloirs de passage des animaux, les gens avaient respecté. Mais les années qui ont suivi, les paysans ont enlevé les piquets de délimitation pour exploiter ces parcelles », déplore Bantinia Blimpo, maire de la commune de Tône 4.

Autrefois, les couloirs tracés par les autorités locales permettaient aux troupeaux de circuler sans empiéter sur les champs, mais aujourd’hui ces passages ont disparu. Les éleveurs se retrouvent ainsi pris en étau entre les terres agricoles et les zones de danger où opèrent des groupes armés. Depuis deux ans, les préfectures de Kpendjal et de l’Oti, autrefois refuges pour les troupeaux, sont devenues trop dangereuses. Les éleveurs risquent non seulement de perdre leur bétail, souvent volé par des groupes armés, mais aussi de tomber sur des engins explosifs improvisés laissés par ces mêmes groupes.

Dans la commune de Tône4, un éleveur, ayant requis l’anonymat, exprime sa détresse : « Nous avons vraiment des difficultés. Nous étions dans la préfecture de Kpendjal, mais actuellement, compte tenu de la crise sécuritaire, nous étions obligés de revenir. Ici, il n’y a presque pas de pâturage. J’ai déjà perdu huit bœufs à cause de la faim. Nous exhortons les populations agricultrices à penser à nous et à nous réserver des terres afin de permettre à nos animaux de paître dans nos propres villages. »

Amidou Yero, éleveur

La situation est similaire dans plusieurs localités du grand Tône, comme l’explique Sambo Koundja, un autre éleveur : « Effectivement, les gens ont exploité les couloirs de passage pour le bétail. Lorsque les enfants sortent avec les bœufs, ils constatent que les agriculteurs ont restreint les couloirs, les transformant en sentiers étroits. Cela provoque des malentendus fréquents entre les éleveurs et les agriculteurs. »

De leur côté, les agriculteurs ne manquent pas d’arguments pour justifier leur empiètement sur les couloirs de passage. « Ah, c’est la situation qui nous y oblige. Les terres sont insuffisantes. Tous nos frères qui étaient installés vers Borgou, Bagré, Natchambonga et Koundjoaré sont revenus, fuyant les exactions des groupes armés. À eux viennent s’ajouter les réfugiés venus du Burkina Faso. Tout le monde cherche une petite parcelle à exploiter. Qu’allons-nous faire ? », s’indigne Paad-kpiil Lamboni, un cultivateur d’Oubitenligou. Il reconnaît néanmoins l’importance de préserver des espaces pour le pâturage : « Aujourd’hui, il est impossible de cultiver sans les bœufs de trait. Malheureusement, il n’y a plus de pâturage. Chacun est obligé de couper une partie de son champ pour y faire paître ses animaux. Si tu ne le fais pas, tu seras obligé d’aller chercher les feuilles des arbres ou arracher des herbes dans les champs pour les nourrir. La situation est vraiment alarmante. »

Face à cette pénurie de terres, certains éleveurs ont cherché refuge sur des parcelles sous les lignes à haute tension, mais cela n’a pas manqué de créer de nouveaux conflits. « Tous les propriétaires dont la haute tension est passée sur leurs terrains ont été dédommagés par l’État pour libérer les espaces. Les éleveurs exploitaient ces parcelles comme couloirs pour leur bétail. Mais dans certaines localités comme Sibortoti, les propriétaires ont exploité ces parcelles, ce qui a provoqué des tensions avec les éleveurs », informe une source locale.

Pour le maire Bantinia Blimpo, la solution réside dans la réinstauration des couloirs de passage pour le bétail, mais cela nécessite des moyens financiers importants. « Il faut installer des balises pour délimiter les couloirs, mais cela a un coût qui dépasse les capacités de la mairie. Si j’arrive à obtenir le soutien d’un partenaire, je le ferai. Il le faut pour consolider la paix et le vivre-ensemble. »

Dans cette région déjà marquée par l’extrême pauvreté, la situation peine à s’améliorer. Le gouvernement, à travers plusieurs programmes et projets dont le PURS se bât pour l’atténuation de la pauvreté mais les impactes tardent à se faire sentir. Les éleveurs, privés de leurs moyens de subsistance, et les agriculteurs, en quête de terres, se retrouvent régulièrement dans un conflit latent qui pourrait dégénérer. Sans intervention rapide des autorités pour réguler l’usage des terres et rétablir les couloirs de passage pour le bétail, la cohabitation entre éleveurs et agriculteurs pourrait prendre un coup.

Robert Douti

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