La crise économique que traverse le pays ces dernières années n'épargne aucun secteur. Le pouvoir d'achat des populations s'érode du jour au jour. Les couches vulnérables vivent au quotidien dans l’espoir d’un lendemain meilleur. Mais le plus dur est devant, alors que la saison des cultures ne laisse présager guère de bonnes récoltes. Pour l’instant, les chauffeurs et passagers vivent le martyr. Reportage.
Les temps sont durs au Togo, comme le dit-on. On sourit moins dans certains ménages. Au marché, les revendeuses sont de moins en moins heureuses. La vie étant une chaîne, tous ses maillons sont affectés. Une situation que vivent les couches les plus vulnérables du Togo, depuis plusieurs années. A chaque coin de rue, des complaintes et des jérémiades.
Malheureusement les dernières augmentations des prix des produits pétroliers et du gaz laissent penser que Golgotha est encore loin. Le constat est amer. Chacun grince des dents. A la gare routière de Dapaong, le constat est alarmant. Les prix des transports ont flambé, voyageurs et chauffeurs se plaignent.
Avec la dernière augmentation du prix du carburant, tout le monde serre la ceinture en limitant les déplacements aux plus indispensables. Conséquences, comme le confie, un chauffeur interrogé sur les lieux :» les passagers sont rares mais les chauffeurs, eux doivent continuer de rouler et sans nul doute, avec amertume».
Les complaintes des chauffeurs
Dapaong à Kara, sur la route, les rackets des policiers, l'incapacité des clients à payer convenablement; les frais des multiples postes de péages, etc. Autant de contraintes qui laissent désormais un goût amère aux transporteurs de façon générale, mais surtout chez les chauffeurs de Taxi.
Boukari Yacine, 38 ans, marié et père de 6 enfants est conducteur de taxi depuis 5 ans sur la ligne Kara- Cinkansé nous a raconté son quotidien." En quittant la gare ce matin, j'avais trois passagers à bord avec quelques colis. À la sortie de kara, au poste de contrôle routier, les policiers m'ont arrêté . j'ai serré ( se garer) et j'ai présenté les pièces accompagnées d'un billet de 500f. Le policier a insisté de descendre tous les passagers et il va fouiller le véhicule, j'ai compris qu'il voulait que je lui donne 1000f et pour qu'il ne perde pas le temps à mes passagers qui s'impatientaient, je lui ai augmenté 500f et il m'a laissé partir. J'ai payé 500f au poste de péage de Kantè et 500f au niveau de Mango également. Le contrôle syndical à pris 1000f. Ça fait déjà 3000f alors que moi-même je n'ai pas encore mangé un plat de 1000f toute la journée ".
En partance comme aux retours, le scénario reste le même. Et Boukari se lamente: " J'ai quitté cinkansé sans le moindre passager avec l'espoir d'en trouver sur le trajet mais j'ai roulé vide jusqu'à Dapaong avant de trouver 2 passagers pour kara, et un pour Bombouaba . Arrivé à Bombouaka j'ai trouvé un autre passager pour Barkoissi. Ça me fait en tout 14000f mais à la gare de Dapaong, j'ai donné 1000f comme commission, je vais payer 1000 pour les deux postes de péages et le reste ce sera pour acheter le carburant. Je vais rentrer à la maison presque les mains vides".
Comme Boukari, la plupart des chauffeurs de taxi tirent le diable par la queue et la situation ne semble guère prometteuse. Daniel Essotom, 40 ans fait la ligne Kétao-Cinkansé depuis bientôt 4 ans mais pas avec le sourire, il explique : " Lorsque j'ai obtenu mon permis de conduire, je restais à la gare et quand mes camarades revenaient du voyage, ils me donnaient chacun 200f. Un jour ,il y'a un commerçant qui m'a proposé de m'acheter un taxi pour me faire work and pay. J'ai accepté et nous avons signé le contrat . je devrais travailler et lui verser 3500000f au bout de 4 ans. Mes camarades m'ont dit que c'était trop chère, mais moi, j’ai trouvé que c'était mieux que de rester à la gare ,réduit à la mendicité . Ça fait 3 ans que je travaille maintenant et entre temps, lorsque le travail marchait, je faisais le trajet Kétao-Cinkansé deux fois par jour. Il ne me reste plus que 150000f à lui verser mais la situation devient intenable. Avec la rareté des passagers, je n'arrive pas à lui payer et il menace de retirer le véhicule. Ces derniers temps quand je prends la route, je ne ramène pas grand chose. Le peu que je trouve sert juste à acheter le carburant, entretenir le véhicule et subvenir en partie aux charges du ménage. Avec la rentrée scolaire qui s'annonce, c'est beaucoup plus compliqué. Les prix des fourniture ont augmenté. Heureusement que là où mes enfants fréquentent, on nous permet de payer les frais de scolarité à petit coup. C'est vraiment compliqué."
Malgré les difficultés qu'ils rencontrent, les chauffeurs de taxi s'estiment moins malheureux que leurs collègues conducteurs de minibus de 9 ou 15 places. Selon leurs témoignages, , il faut au moins 5 passagers pour un bus de 9 places et 8 pour celui de 15 places avant de démarrer. Mais, il faut passer une demi-journée avant d'en trouver. Parfois même l'attente dure jusqu'à 24heures .
A l’heure actuelle, aucun secteur d'activités n'est donc épargné par la crise et l'on se demande à quand le bout du tunnel .
Robert Douti
Laabali.com