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Région des savanes: Le trafic d’engrais, un business juteux

par Edouard Samboe - 2022-08-05 13:21:26 206 vue(s) 0 Comment(s)

L'agriculture Togolaise est en plein croissance. Ceci, grâce aux différents mécanismes et projets du gouvernement qui accompagnent les producteurs. Il s’agit entre autres de la mise à disposition en quantité suffisante des intrants et des semences sélectionnées , le  recrutement du personnel d'appui et de conseil agricole et surtout la  mise en place des coopératives agricoles, etc. Malheureusement, sur le terrain, les résultats peinent à être visibles suscitant  parfois des interrogations. C'est le cas par exemple de la question des difficultés d'approvisionnement des paysans en engrais dans la région des savanes. Reportage.

 

 

03 août 2022, carrefour Koundoga-Nano ;  préfecture de Tandjoaré. La verdure des champs au bord de cette rue non bitumée Tambango-Nano dénote le cœur de la saison des cultures. A 2 km du goudron, une foule d’hommes parquent leurs engins à deux roues. Un magasin peint en blanc sur lequel on peut lire «Vente d’engrais». Des couples d’hommes y entrent et sortent avec des sacs d’engrais.

 

Lambime Nadjir, la trentaine révolue est l’un d’eux. Agriculteur , il est natif de Nassiéte, un village situé à 5 km du Magasin. Il est là, comme Lamcome Marc, un homme âgé issu du canton de Nano venu pour s’acheter de l’engrais. Ces deux agriculteurs sont une illustration de ces milliers d’autres de la région qui parcourent plusieurs kilomètres à la recherche d’engrais.  C’est le même constat à Malagou, un village situé à  10 km de la ville de Nano qui a réuni plusieurs  paysans de Nagou, Djapak et Malabate à la recherche d’engrais.

 

 

Une fragile stratégie de distribution mise en place  

 

Pour un magasin d’engrais, cette campagne agricole 2022, le gouvernement togolais a mis à la disposition des producteurs près de 76.000 tonnes d'engrais à un prix fortement subventionné.  Selon ses explications, afin d'éviter les spéculations et le traffic , il a été mis en place un système de distribution. Malheureusement , il s'est révélé inefficace dans la pratique,  pénalisant ainsi les producteurs, nous explique le magasinier. En plus de ralentir la distribution, le système n'a pas pu empêcher aux trafiquants de continuer leur sale boulot. Sur le terrain, il  a été demandé aux chefs de villages d'établir des listes. Ces derniers pour la plupart analphabètes sollicitent les services de ceux qui savent lire et écrire pour établir les liste; laquelle liste est envoyée au conseiller agricole pour la suite du processus.

 

« Les listes établies ne sont pas fiables, car des commerçants profitent pour s'y inscrire , inscrire leurs amis , leurs enfants et leurs épouses même si ces derniers n'ont pas exprimé le besoin. Une fois la liste transmise au conseiller agricole ,celui ci avant de le signer devrait procéder à la vérification des parcelles cultivables des producteurs au préalable, ce qui dans la pratique est difficile à faire», marmotte un agriculteur victime des manipulations.  Un autre  agriculteur  pense que selon la hiérarchie, du conseiller agricole jusqu'au directeur régional de l'agriculture qui donne l'aval au gestionnaire de procéder à la vente, les vérification semblent faire le défaut.

 

 Dapaong, Korbongou,Tandjoaré, cinkansé, plusieurs tonnes d'engrais saisis aux mains des trafiquants.

 

Des sources locales qui craignent pour leur sécurité , nous confient sous l’anonymat que le phénomène de la spéculation et du trafic des engrais est légion. On parle de l’implication de plusieurs personnes qui touche des élus locaux,  les chefs de village, les populations locales, les conseillers agricoles, les conducteurs de Taxi motos ,et parfois même les gestionnaires de magasins.  Selon des confidences,  grâce à la vigilance de certains manutentionnaires , des producteurs eux mêmes ou des forces de l'ordre ,  certains individus de la bande  sont appréhendés.

 

C’est ainsi que le vendredi 29 juillet 2022, il a été signalé à la Centrale d'approvisionnement et de gestion des intrants agricoles de Dapaong (CAGIA) un dépôt d'engrais dans une buvette au quartier Natébagou. Les responsables se sont dépêchés sur les lieux pour le constat. Interrogés, les maîtres des lieux ne voulaient pas décliner l'identité de la personne qui a déposé les engrais.

 

Un quidam au comportement suspect rôdant dans les environs a été sommé de s'immobiliser en attendant l'arrivée des gendarmes pour nécessité d'enquête. Dès l'apparition du véhicule de la gendarmerie, le monsieur a pris la clé des champs poursuivi par les gendarmes qui ne réussiront malheureusement pas à l'arrêter. Plus tard, la propriétaire du Bar avouera  que c'était bien ce monsieur, un certain Fataou Y. qui est venu déposé le stock . En tout ,c'est 51 sacs qui ont été trouvés  dont 4 dans une chambre à coucher. Le stock saisis par la gendarmerie a été déposé au magasin de la CAGIA.

 

 

Le trafic d’engrais, un business juteux

 

 

Le 1er Août, un jeune de Sibortoti , un village situé à 10 km de la ville, conducteur de taxi moto  suspecté,  a été arrêté  au magasin dans l'enceinte de l'ICAT grâce à la vigilance des manutentionnaires . Il était en possession de 4 sacs d'engrais. Interrogé, il a reconnu les avoir acheté pour quelqu'un d'autre  et qu'il les stockait dans une maison au centre ville. Conduit par la gendarmerie sur les lieux, 8 sacs ont été saisis en plus des quatre autres sacs. Le conducteur de taxi moto et son complice ont été conduit à la gendarmerie.

 

 Dans la soirée de la même journée, la gendarmerie de Cinkansé a saisi deux tricycles transportant chacun 18 sacs d'urée . Selon nos sources,  l'engrais a été  acheté dans plusieurs magasins dans Tandjoaré pour un commerçant résidant à Cinkansé.  Au dernières nouvelles , les conducteurs de tricycle et le propriétaire seraient entre les mains de la gendarmerie pour des besoin d'enquête .

 

Selon d'autres sources, un camion communément appelé Clinker transportant 30 sacs d'engrais pour un pompiste en service à Cinkansé a été arrêté par la Douane à l'entrée de Dapaong. Il a été demandé au chauffeur de fournir les documents attestant que la marchandise a été achetée légalement. Le pompiste à qui serait destiné les engrais explique qu'il a acheté au total 45 sacs à Yembour et que 15 sacs ont été utilisés sur place et que le reste était reversé pour ses champs a Dapaong et à Cinkansé.

 

 Dans ses tentatives d'obtenir de se justifier , il aurait demander au gestionnaire du magasin de Yembour de lui fournir un reçu . Ce dernier n'a pas coopéré expliquant qu'il ne reconnaît pas lui avoir servi une telle quantité. Les même sources indiquent qu'un autre véhicule transportant 37 sacs venant de kantè est aussi immobilisé à la douane. La CAGIA attend que la Douane finisse ses formalités avant que le stock soit transféré dans leur magasin. Aussi certains commerçants revendent en y majorant 2 a 3 milles francs sur le sac de 50 kg, qui pourtant est fixé à 18.000 FR CFA. On parle d’individus qui déboursent  20000f pour le seul sac pour sauver leurs champs.

 

Selon des sources officielles des Savanes , du mois de janvier à la fin du mois de juillet 2022, environ 18500 tonnes d'engrais ont été envoyées dans les savanes . À ce jour environ 15000 tonnes sont consommées puisqu'il reste dans l'ensemble des magasins  de la CAGIA environ 3000 tonnes.

 

 

La rédaction

 

Laabali.com

 

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