Dans la société traditionnelle Anoufoh, le métier de tisserand occupe une place centrale, symbolisant un lien vital avec l’histoire et les rituels culturels. Pourtant, face à la modernisation et au désintérêt croissant des jeunes, les artisans de Mango craignent de voir ce savoir-faire ancestral s’éteindre, menaçant ainsi la transmission de cet héritage inestimable.
Quartier Djabou, sous un apatam à moitié couvert de paille, Alidou Dramane, 67 ans, s’active sur son métier à tisser. Tout près de lui, Séini Koukoura, son aîné et maître, ne le quitte pas du regard. Dramane explique avoir hérité le métier de tisserand de son père depuis sa tendre jeunesse. Depuis, il exerce cette activité à laquelle il allie l’agriculture. « Au temps de nos parents, le travail de tisserand était difficile à cause de la rareté du coton, mais c’était plus rémunérateur car les tissus n’abondaient pas autant. Aujourd’hui, il est difficile de vivre uniquement du tissage », explique le sexagénaire.
Même si, de plus en plus, la profession de tisserand se modernise, la pratique traditionnelle du tissage mérite sa place dans les sociétés africaines. Chez les peuples venus de l’Est (Moba Gourma) et ceux venus de Gambaga (Mossi, Bissa, Yaana), les étoffes en kenté tissées de façon traditionnelle sont utilisées pour envelopper le corps du mort, surtout lorsqu’il s’agit d’une personne âgée ou d’un gardien des traditions dont le corps ne doit pas être mis en cercueil. En pays Anoufoh, les pièces de tissus tissés à la main sont indispensables pour certains rites d’initiation. Le tissage à la main est un savoir-faire ancestral qui se transmet de génération en génération. C’est une activité qui relie les artisans à leur histoire et à leur culture. Mais aujourd’hui, beaucoup, comme Séini et Dramane, redoutent la disparition de ce double héritage culturel et traditionnel. « Les jeunes ne s’intéressent pas à la profession de tisserand. Tisser de manière traditionnelle est pénible et exige beaucoup de patience. En plus, les clients sont de plus en plus rares. Il faut parfois plus d’une semaine pour tisser un rouleau. Le rouleau est vendu à 15 000 F, mais quand tu en vends un, il faut parfois attendre encore plusieurs semaines pour trouver un autre client », regrette Dramane. Cette situation inquiète Séini, doyen des tisserands de Mango. « Dans cet atelier, chaque métier à tisser a son propriétaire. Certains sont morts et il n’y a plus personne pour les remplacer. La tradition risque d’avoir de la peine à se perpétuer », regrette-t-il.
Malgré les difficultés, les tisserands Anoufoh ne comptent pas laisser le flambeau du savoir ancestral s’éteindre. Les anciens espèrent susciter la volonté de certains au sein de la nouvelle génération afin de perpétuer la tradition. Et pour y arriver, ils comptent organiser des soirées culturelles et des causeries-débats.
Robert Douti
Laabali