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Éducation

Réfugié, Fataou veut aller à l’école, mais…

par Edouard Samboe - 2024-09-13 13:37:13 422 vue(s) 1 Comment(s)

La crise terroriste qui sévit au Burkina Faso et dans l’extrême nord du Togo affecte non seulement les activités économiques, mais aussi des secteurs clés comme l’éducation. Fuyant la violence des « hommes de la forêt », les populations burkinabés des villages des communes de Sangha, Soudougui (région du Centre-Est), de Pama et de Kompienga (région de l’Est) ont trouvé refuge dans la région des Savanes, au Togo. En mars 2024, leur nombre était estimé à près de 37 000 dans cette région, selon des sources officielles. La majorité de ces déplacés sont des femmes et des enfants . Pour ces derniers, le combat pour s’intégrer dans le système éducatif local est semé d’embûches. Entre précarité et traumatismes, certains se sont confiés à Laabali.

Déterminés à poursuivre leur cursus scolaire, interrompu par la menace terroriste, de nombreux élèves réfugiés ont réussi à trouver des places dans les établissements scolaires des localités d’accueil. Mais après cette étape, ils doivent affronter les réalités quotidiennes, parfois insupportables. Face à ces épreuves, certains rêvent de regagner leur terre natale. C’est le cas de Fataou T., qui confie : « J’ai envie de retourner chez mon père. L’école d’ici est difficile. » Venu de Nadiagou avec sa mère, le jeune écolier de quatorze ans a été inscrit en cours élémentaire deuxième année dans une école publique de Dapaong en février 2023. Sa maîtresse le décrit comme un élève timide, facilement distrait et anxieux au moindre bruit. Après avoir redoublé, Fataou est passé en classe supérieure cette année, mais s’inquiète à l’approche de la rentrée : « Je vis actuellement avec mon oncle maternel. Peu de temps après notre arrivée, ma mère est retournée à Nadiagou pour récupérer quelques affaires. Les terroristes ont bloqué la zone et depuis, elle y est restée. Mon père est resté à Fada. Je n’ai toujours pas mon mes fournitures scolaires. »

Abou Z., 12 ans, a fui Kaongho avec sa petite sœur et ses parents en mars 2023. Après avoir vécu dans le village de Babigou (canton de Sam Naba), ils ont rejoint Dapaong au troisième trimestre de l’année scolaire. Encore sous le choc, Abou se souvient : « Après le premier passage des groupes armés dans notre village, les enseignants ont fui. Seul le directeur est resté. Quelques jours après, ils sont revenus et ont ordonné aux villageois de quitter le village. » Abou, malgré ces souvenirs douloureux, ira au cours moyen cette année. Il rêve d’avoir un uniforme kaki comme les autres élèves et un cartable pour lui et sa sœur. Mais pour ses parents, maçon et couturière, les défis financiers sont immenses. Installée dans une petite pièce en périphérie de la ville, la famille survit grâce à l’aide des voisins et des organisations humanitaires.

Conditions de vie précaires

Selon les chiffres officiels, la ville de Dapaong accueillait, en mars dernier, 4 579 déplacés internes et externes. Si certains ont trouvé des familles d’accueil, d’autres, comme Fataou et sa famille, doivent se débrouiller par eux-mêmes. Ils sont 24 personnes, dont 15 élèves, entassées dans une même cour. « Je n’arrive pas à apprendre mes leçons ni à faire mes devoirs. Quand je prends mon cahier, d’autres enfants viennent autour de moi et font du bruit. Il m’arrive souvent de ne pas retrouver certains de mes cahiers, qui se mélangent à ceux de mes frères. Nous sommes 9 dans la même pièce », raconte Fataou.

Outre les conditions de logement précaires, l’accès aux ressources de base, comme l’alimentation et les soins de santé, constitue un frein à la concentration et à la réussite scolaire de ces élèves déplacés. Certains doivent même travailler pour aider leurs parents à subvenir aux besoins quotidiens. C’est le cas de Mourja, 13 ans, qui doit redoubler sa classe de 5e cette année. Sa mère, en mauvaise santé, se sent en partie responsable de l’échec de sa fille : « Je vends du soumbala (moutarde de néré), mais à cause de ma santé, je ne peux plus marcher sur de longues distances. C’est donc elle qui fait la vente. Quand il n’y a plus de soumbala, elle aide une revendeuse de poisson au marché. Cela ne lui laisse pas assez de temps pour étudier, mais nous n’avons pas le choix », se désole-t-elle.

Pour la plupart de ces élèves, dont les familles dépendent de l’aide humanitaire, le quotidien est une lutte. Les traumatismes vécus sont encore présents dans leur esprit. Certains d’entre eux ont besoin d’un accompagnement psychologique pour surmonter ces épreuves. De plus, les établissements scolaires accueillant un grand nombre d’élèves déplacés manquent de mobilier et d’infrastructures pour répondre à la demande croissante. Le gouvernement togolais fait des efforts pour un meilleur accompagnement. Dans des localités comme Sanfatoute dans la commune de Tône 4 ou encore Koundjoare dans la commune de Kpendjal 1 de nouvelles salles de classes ont été construites. Des cantines scolaires permettent d’offrir des repas chauds aux écoliers mais la situation demeure préoccupante .

Les élèves déplacés victimes du terrorisme dans la région des Savanes vivent des réalités marquées par la précarité, les traumatismes et le manque de ressources. Malgré ces obstacles, leur détermination à poursuivre leur éducation est admirable.

Robert Douti

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