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Journaliste indépendant : « Etouffez-le vite, bouclez-la »

par Edouard Samboe - 2024-08-30 19:28:26 133 vue(s) 1 Comment(s)

« Le monde n’est forcément pas juste », selon un adage populaire. Mais, pour le journaliste indépendant, « le monde n’est doublement pas juste ». Celui-ci l’apprend bon gré, mal gré, toujours à ses dépens. Et, dans tout ça, c’est l’autrui qui le définit et le juge, selon ses intérêts égoïstes, à lui. Le pis, chez nous, dans la cité du Lion, devenue région des Savanes, le titre du journaliste fait peur, à condition que tu sois un larbin. Alors s’il veut être indépendant, le journaliste doit se préparer à l’ostracisme. Et, cela devrait continuer jusqu’au changement de paradigme.

 C’est l’Ecclésiaste dans la Bible qui nous apprend que « la course n’est pas aux hommes rapides, ni la bataille aux hommes forts […] encore moins « la connaissance aux sages (…) », car dit-il … temps et évènements imprévus arrivent à tous ». Emprisonnés ou libres, maitres ou esclaves, autorités ou sujets, dominants ou dominés etc, temps et événements imprévus nous arrivent tous. Quelle belle leçon de l’Ecclésiaste.

L’imprévu de la vie devient intéressant lorsque ton bourreau devient ton ami. Pas, parce qu’il le veut, mais parce que « temps et événements » l’ont décidé. Nous sommes le 20 aout 2024, dans la cour d’un service public. Par concours de circonstances, me voici face à l’un des hommes. Lui, sa particularité, c’est qu’il est calme, mais zélé par étouffer les journalistes indépendants. Le sourire d’accueil qu’il m’adresse lorsqu’il me rencontre, c’est qu’il pense me connaitre. Mais par soucis d’âge, il a déjà oublié. Alors que l’avènement ne date que d’une année. Lui, c’était l’épicentre des paroles blessantes et accusatrices à mon encontre. C’est lui, et son ami qui poussaient les gendarmes à me jeter en prison. Ce pourquoi ils m’accusaient, c’est que j’avais écrit un article sur les écoles sous paillottes. Il avait des ambitions politiques, et pour les assouvir, il fallait écraser les tenaces, les « parleurs ». Il leur fallait mater ceux qui révèlent ce qui est caché et malsain. Comme j’étais journaliste indépendant, il fallait me la boucler définitivement. Et l’endroit idéal avant les élections, c’était le Guantanamo de Dapaong. Mais leurs pronostics ont été déjoués. Et, je suis encore en vie et libre. Mais le monde est si petit. Après ce temps, on s’était plus revu. Et nous voila face à face. Les poignets de mains serrées et les regards hagards. Après un bref entretien, je lui demandai s’il se rappelait de moi et de mon nom. Il semblait avoir oublié. Je le lui rappelai. Automatiquement, face à mon regard tout droit dans le sien, il baissait la tête. Se sentant gêné, il n’a pas hésité à écourter la discussion.

Heureux que je fusse, je continuai mon chemin, comme si de rien n’était. Celui-ci fait partie d’une série d’individu que j’ai rencontré dans ma vie. Certains, incapable de faire le bien, ont continué dans leur triste besogne. Ils sont de tout acabit. Il y en a, qui a juré que je n’aurais jamais un emploi de la fonction publique et que j’étais un damné de la terre. Pourtant, il est aussi pauvre que moi. L’autre larbin, lui, il a continué par me salir auprès des oreilles qui l’écoutent, lorsqu’il tendait sa langue de vipère. Mais il est aujourd’hui démasqué. De loin comme de près, y compris dans nos familles, la souffrance et la douleur, font souvent des joyeux. Mais le plus important, cela permet aux gens de révéler leurs natures.

 Désormais, les journalistes indépendants comme les combattants de la liberté doivent savoir aussi que leurs ennemis ne sont jamais loin. Ce qu’on nous reproche, c’est notre indépendance. Parce que nous pensons liberté, nous y croyons et défions les codes, on nous écrase. Mais comme « temps et évènements » imprévus arrivent à tous, nous finissons par nos revoir. Et là, chacun regrette ses agissements et propos, chacun peut changer lorsqu’il se rend compte qu’il a mal agi. Chacun de nous peut mûrir, et faire effort de ne pas se réjouir de la souffrance des uns et des autres.

Le journaliste indépendant, est un homme qui a choisi d’être libre. Il veut voir le monde avec ses lunettes à lui, et ne veut pas avoir d’ennemi. Il veut parler des faits en fonction de son état d’âme et de sa conscience. Le larbinisme ne fait pas partie de son action. Il croit que les hommes naissent libres et égaux, en droits et en dignité, même pour ses pourfendeurs. Lorsqu’arrive le moment d’étouffer un journaliste indépendant, il faut toujours avoir à l’esprit que dans le désert sans pluie, l’arbre sans semeur, a germé librement.

L’ostracisation des libres-penseurs, des journalistes indépendants, des électrons libres, des hors systèmes à cause des intérêts égoïstes peut contribuer à étouffer les talents utiles à notre codéveloppement. Nous avons besoin des uns, des autres. Même si « temps et événements imprévus » ne nous contraignent pas à nous revoir, l’idéal commun, partagé et le vivre-ensemble nous inviteront autour de la table unique de dialogue.

Priver des journalistes indépendants des invitations à des ateliers de formations, à des avantages économiques, à des subventions, aux équipements, à l’assistance financières, c’est contreproductif. Les pourfendre, les salir, les stigmatiser et les marginaliser, parce qu’ils seraient des journalistes indépendants, c’est introduire des divisions sociales, mais au-delà de tous, c’est les renforcer dans leurs positions d’indépendances de point de vue.

Edouard Kamboissoa Samboé

Laabali

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