« Quand la main qui protège devient celle qui frappe, où trouver refuge ? » avait répondu le vieux Djabioug lorsque le chef du canton lui avait signifié qu’il était trop vilain pour mériter une si belle épouse. L’infortuné s’était plaint auprès du chef après que sa femme lui eut été arrachée par un jeune homme revenu du Ghana. Espérant trouver justice, Djabioug n’a récolté que moqueries et mépris, le chef se contentant de lui rappeler sa supposée laideur. Cette anecdote illustre bien la situation actuelle dans de nombreux pays, où les citoyens sont désemparés face à l’attitude des médias.
De plus en plus, il est évident que les médias s’associent aux gouvernants pour écraser le peuple. Entre la difficile mission de sentinelle de la République et les tentations des voyages luxueux, des villas, et des bons de carburant, beaucoup de journalistes ont choisi la seconde option.
Les médias ont pour rôle d’assurer la veille citoyenne, en dénonçant les abus de pouvoir, en informant objectivement l’opinion publique, et en contribuant au maintien de la démocratie et à la protection des droits de l’homme. C’est pour cela qu’on les qualifie de 4e pouvoir. Cependant, lorsque la corruption gangrène ce secteur, c’est non seulement la démocratie qui est en péril, mais aussi la vérité, l’intégrité, et la confiance des citoyens envers les institutions. Quand l’exécutif assujettit le législatif, avale le judiciaire, et contrôle la presse, bienvenue à la dictature pure et dure.
Dans un contexte où la corruption est omniprésente, certains gouvernants et élites cherchent à contrôler le récit public en cooptant les médias. Ils sélectionnent des organes de presse pour vanter leurs mérites, souvent à coups de subventions, de publicités étatiques, ou de gratifications diverses. Ces médias, devenus des porte-voix des pouvoirs en place, s’éloignent de leur mission d’informer pour se transformer en outils de propagande. Ils mettent en avant les réalisations fictives ou exagérées de gouvernants indélicats, tout en dissimulant les échecs, les scandales, et les abus.
Parallèlement, les rares médias qui tentent de rester fidèles à leur mission de gardiens de la vérité sont confrontés à une hostilité croissante. Ils deviennent des cibles pour les pouvoirs en place, qui utilisent divers moyens pour les faire taire : harcèlement judiciaire, intimidations, violences physiques, ou encore coupures de financements. Ces actions visent non seulement à faire taire les voix dissidentes, mais aussi à envoyer un message clair à ceux qui pourraient être tentés de les rejoindre.
Lorsque le 4e pouvoir devient un outil aux mains des corrompus, c’est la démocratie qui s’effondre. Les citoyens, privés d’informations objectives et vérifiées, sont incapables de faire des choix éclairés. La propagande remplace le débat public, et les incompétents continuent à gouverner en toute impunité. Le manque de transparence et de redevabilité entraîne une gouvernance défectueuse, qui favorise l’accroissement des inégalités, la pauvreté, et le mécontentement populaire.
Pour contrer cette dynamique, il est impératif de soutenir les médias indépendants. Cela doit commencer par les communautés elles-mêmes, qui doivent comprendre l’importance d’avoir une presse objective. Une presse libre et indépendante est la pierre angulaire d’une démocratie saine, car elle permet aux citoyens de tenir les dirigeants responsables, de dévoiler la vérité, et de promouvoir la justice et l’équité.
Quand la corruption atteint le 4e pouvoir, c’est toute la structure démocratique d’un pays qui est menacée. Il est essentiel de défendre la liberté de la presse et de soutenir les médias qui, malgré les dangers, continuent de jouer leur rôle de gardiens de la vérité. Seule une presse libre et indépendante peut assurer un avenir où la transparence, l’intégrité, et la justice prévalent.
Robert Douti
laabali