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Centre de santé de Margba : En attendant la finition des travaux, le salon de la sage-femme, transformé en maternité

par Edouard Samboe - 2023-05-06 11:49:43 2312 vue(s) 0 Comment(s)

Au Togo, depuis 2021, existe le projet service de santé essentiels de qualité pour une couverture sanitaire universelle (SSEQCU). Une initiative d’Etat avec comme objectif d’offrir des soins de santé de qualité aux population vulnérables. A l’heure de sa mise en œuvre, la composante 2 dudit projet qui prévoit la construction et la réhabilitation des centres de santé piétine dans la région des Savanes. À Margba, huit mois après le lancement des travaux, rien de nouveau n’est visible. Les ouvriers crient salaires impayés, les populations attendent, encore. Reportage.

Margba, 05 Mai 2023. Il est 17H dans ce village du canton de Natigou , commune de Tône1  (655 km de Lomé, la capitale). Le 10 juillet 2022, c’est dans des conditions douloureuses que ledit village avait fait entendre son nom. Une explosion survenue dans la nuit avait ôté la vie à sept adolescents.

Intérieur du bâtiment

Ce village d’agriculteurs, d’éleveurs et de jardiniers bénéficie de la rénovation de son centre de santé. Il s’agit d’une initiative inscrite dans le cadre du projet service de santé essentiels de qualité pour une couverture sanitaire universelle (sseqcu). « Les travaux démarrés par l’entreprise en octobre 2022 et prévus pour durer 5 mois avancent à pas de tortue », analyse notre premier contact. Pourtant, l’attente des habitants est grande.

Situé au cœur du village à l’ombre des karités, l’unité de soins périphérique de Margba est sensée accueillir des malades des villages voisins. Au nombre de ceux-ci figurent Tamite, Kpassongue, Natigou , etc. Mais la réalité est toute autre. Depuis huit mois, elle n’existe presque pas. « Le bâtiment principal décoiffé est abandonné en l’Etat », nous explique un habitant.

Des murs de la clôture démolis par le vent

 De l’intérieur, dégage une odeur de plafond pourri mélangé à celle des urines des pipistrelles ravivées par la grande pluie de la veille. À l’intérieur, des morceaux de plafonds, des bouts de chevrons, des papiers et des cartons nagent dans des flaques d’eau qui offrent l’hospitalité aux moustiques.  Un mur de deux couches de briques entoure difficilement le bâtiment. La clôture du centre à peine entamé juste à l’entrée est abandonnée et la fondation nage dans une eau boueuse. Ici, tout à l’air d’être abandonné.

La chambre à coucher devenue la pharmacie.

Depuis le début des travaux de rénovation, les soins se font dans des conditions très difficiles. C’est le salon de la sage-femme qui a été transformé en maternité, sa cuisine [une case ronde], en une suite de couche avec un matelas à même le sol en terre battue. Quant à l’infirmier, sa chambre à coucher est devenue la pharmacie et le salon, la salle de consultation et de soins. 

 » Le taux de fréquentation a nettement baissé, les malades préfèrent aller à Kourientré ou à Bougou. » explique l’infirmier. Les malades enchainent les plaintes.  » Actuellement, à la maternité, c’est coincé. Dans la salle de suite de couche, on ne peut même pas se tenir debout et le toit en paille tient à peine. Je préfère aller ailleurs. « Explique une dame qui a requis l’anonymat.

Un chantier désert

Sur les lieux, aucun ouvrier n’est visible. Les derniers ont déserté le village vers fin avril, chassés par la faim d’après les témoignages des villageois.  » La première équipe d’ouvriers était partie à peine deux mois, après le début des travaux. Une seconde équipe est arrivée. Elle aussi n’a pas résistée. C’est la troisième équipe qui vient de quitter le chantier il y a bientôt deux semaines », explique le président du COGES qui précise que c’est la faim qui les chasse parce qu’ils ne sont pas payés. Contacté au téléphone, l’un d’eux explique : « Aujourd’hui, nous cumulons quatre mois de salaires impayés. Les ouvriers ont dû se débrouiller chacun comme il peut pour rejoindre leurs familles à Lomé. Nous avons des familles à nourrir, on ne peut pas continuer comme ça ». Un des techniciens du chantier au téléphone se complaint » J’ai dû utiliser mes propres sous pour certaines dépenses. Les impressions des plans de masses et des plans d’exécution des travaux, l’achat des moules utilisés pour fabriquer les briques sur tous les chantiers sont dépensés de ma propre poche ».

  Salle de consultation et de soins

Quant au directeur des travaux, les difficultés d’avancement du chantier sont principalement dues à un problème d’approvisionnement en matériels à une mauvaise organisation au sein de l’entreprise. « Selon les exigences du projet », dit-il, il fallait un chef chantier et un directeur des travaux par site et aussi un véhicule de liaison, mais rien de ceci n’est fait ». Même s’il est encore difficile de vérifier, d’aucuns parlent de vente des matériaux par les ouvriers du chantier. Il s’agirait d’une importante quantité de ciment et de fer à béton vendue par les ouvriers. D’où une perquisition de la brigade de gendarmerie de Kourientré le 03 Mai qui a permis de récupérer une bonne quantité de fer auprès de certains villageois.

Le mal persiste

La mauvaise exécution des chantiers au Togo n’est pas nouvelle, selon plusieurs observateurs. Le phénomène serait en passe de s’ériger en norme d’après certains qui apportent comme argument le fait qu’aucune entreprise n’a jamais été sanctionnée en réalité. Les travaux de rénovation des centres de santé dans le cadre du projet SSEQCU ont déjà connu un grand retard. Une rallonge de deux mois avait été accordée par le gouvernement en mars derniers, afin de livrer les ouvrages dans les nouveaux délais. Mais à l’allure où vont les choses, le nouveau délai risque de ne pas être respecté. À Margba et à Bougou par exemple, le taux d’exécution est respectivement d’environ 17% et 19 % selon le Directeur des travaux.

Mais des interrogations demeurent. Pourquoi les ouvriers n’ont-ils pas été payé ? Pourquoi les matériaux et le matériel manquent -ils sur le chantier alors que nos sources précisent que l’entreprise a déjà touché 40% du montant total du marché ? Voilà des questions qui restent sans réponses puisque toutes nos tentatives d’obtenir d’amples explications auprès du Directeur Général de l’entreprise se sont révélées infructueuses. Ce dernier a affirmé tout simplement qu’il s’agit d’un problème de décaissement avec la banque et que les chantiers redémarreront bientôt.

En attendant, les ouvriers impayés ruminent leur colère et le désespoir est perceptible dans leurs propos. » Nous l’avons dénoncé auprès de certaines personnes hautes placées mais, rien jusqu’à présent. C’est un tout puissant, personne ne peut l’inquiéter(…). Lors de la tournée d’inspection en mars dernier, un membre de la délégation ministérielle tout furieux face à la lenteur des travaux nous a demandé le numéro du DG. Lorsque nous lui avons donné, il a composé et s’est rendu compte que c’était un contacte qu’il avait déjà. Il a baissé le ton et s’est éloigné avant de continuer la conversation au téléphone » relate un employé du chantier. Tout porte donc à croire que le DG de l’entreprise, comme la plupart ne figurerait pas sur la liste des entrepreneurs intimidables.

À Margba, la colère monte. La population en courroux et impuissante digère mal la situation. Elle qui, au lendemain de l’explosion meurtrière de la Tabaski 2022 avait obtenu des promesses de réalisations d’infrastructures de la part des membres du gouvernement qui tardent à se réaliser devraient désormais se contenter d’un centre de santé décoiffé et abandonné.

Robert Douti

Laabali

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