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Politique

Pascal Bodjona : L’énigme d’un survivant politique

par Edouard Samboe - 2024-08-25 21:57:15 313 vue(s) 1 Comment(s)

Il y a dix ans, le 24 août 2014, Pascal Bodjona faisait son entrée en prison, marquant le début d’une longue traversée du désert. De son incarcération à sa tentative avortée de participer aux élections locales de 2019, Bodjona a vécu des épreuves qui auraient pu en briser plus d’un. Aujourd’hui, malgré tout, il est de retour sur la scène politique, avec des ambitions renouvelées.Retour sur ces années sombres du ministre au « grand format ».

« On dépose Pascal Bodjona, non pour des motifs de droit commun, mais pour d’autres motifs, et je suis prêt », telles furent les dernières paroles du natif de Kidjang ce jour-là, sur le perron du palais de justice de Lomé. En répondant à une convocation, il se voit, non sans surprise, notifier un mandat de dépôt. Nous sommes le 24 août 2014. Dix ans après, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et l’homme a retrouvé de nouveau sa place dans les arcanes du pouvoir à Lomé.

La traversée du désert de l’ancien ministre de l’Administration territoriale et des Collectivités locales commence début mars 2011, suite à une plainte déposée contre feu Agba Sow Bertin pour escroquerie, par Abass El Youssef, un homme d’affaires émirati. Parmi les noms cités dans cette affaire figure celui de Pascal Bodjona. En juillet 2012, l’ancien ministre et porte-parole du gouvernement est débarqué de son poste à la faveur d’un remaniement ministériel. L’enquête préliminaire de la gendarmerie nationale conclut à son innocence après l’audition de Bodjona le 18 mars 2011. Mais la tranquillité du PDG du groupe Sud Média ne durera pas longtemps.

Une série d’incroyables rebondissements

Le 10 août 2012, il est entendu par le juge d’instruction comme témoin sous serment. Trois semaines plus tard, Bodjona passe du statut de témoin sous serment à celui d’inculpé. Dans l’opinion, on dénonce une acrobatie juridique. L’homme est envoyé en détention le 1er septembre 2012 à la gendarmerie de Tsévié. L’arrestation de celui qui était considéré par certains comme le numéro 2 au sein du RPT d’alors crée frayeur, mais aussi indignation et interrogations. Il y passera un peu plus de sept mois avant de retrouver la lumière le 9 avril 2013. Son co-accusé, Loïk Le Floch-Prigent, avait également été arrêté à Abidjan puis transféré au Togo. L’ancien patron d’Elf goûtera aux délices de la prison civile de Lomé pendant 5 mois. Il n’en ressortira que le 26 février 2013, après avoir versé une caution de 50 000 euros pour obtenir une mise en liberté provisoire, selon nos confrères du journal Le Monde. Le principal accusé de cette rocambolesque affaire, feu Bertin Agba Sow, réussira à s’évaporer après sa mise en liberté provisoire exigée par la Cour de justice de la CEDEAO. Désormais sous contrôle judiciaire, Pascal Bodjona reste loin des projecteurs. Entre-temps, le plaignant n’a plus donné signe de vie, mais Bodjona sera de nouveau convoqué par la justice puis déposé à la prison civile de Tsévié. Il est accusé de complicité d’escroquerie. Il y restera pendant 525 jours.

Sans rancune

Le 6 février 2016, lorsque Pascal Bodjona recouvre sa liberté, rien ne semble avoir eu raison de l’optimisme de cet homme qui, pourtant, a physiquement diminué. « J’ai été injustement incarcéré, je l’ai vécu avec philosophie et sans rancune », a-t-il déclaré, lui qui fut le tout premier directeur de cabinet de Faure Gnassingbé. L’homme continuera à subir des douches froides, mais sans perdre sa témérité, limitant ses apparitions publiques. Sa première coupe de calice lui sera servie le jour du premier anniversaire de sa sortie de prison. En effet, le lundi 6 février 2017, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) procède au retrait des fréquences de la chaîne de télévision LCF et de Radio City FM. Les deux médias sont accusés de ne pas disposer d’existence légale. L’appel en annulation de la décision de fermeture de la HAAC, formulé par le groupe Sud Média, sera rejeté par la Cour suprême dans son arrêt du 7 mars 2017.

Réduit totalement au silence, Pascal Bodjona n’en croit pas pour autant en sa mort politique. Il caresse le rêve de se présenter aux élections locales de juin 2019. Il dépose, au nom de son mouvement « Ensemble pour le Togo », sa candidature, mais il sera écarté de la course par le verdict de la Cour suprême qui invalide la liste pour défaut de dénomination. L’espoir de participer au scrutin s’envole, mais dans le cœur de l’enfant de Kouméa, l’espérance demeure.

Le retour de l’animal politique

Deux jours après sa sortie de prison, Bodjona rassurait en confiant à Jeune Afrique : « Mon avenir politique est certain, je n’ai pas encore vu de nuages affirmer le contraire. Je n’ai pas subi tout ce préjudice pour disparaître ensuite tranquillement de la scène politique. » Tout laissait penser que cet orateur hors pair et pionnier du Conseil de coordination des associations et mouvements estudiantins (HACAME) savait lire les signes du temps. En effet, en décembre 2017, alors que la contestation menée par Tikpi Atchadam et ses pairs de la C14 battait son plein, plusieurs sources avaient révélé que Bodjona avait joué au facilitateur entre Kan-Dapaah, le ministre ghanéen de la sécurité chargé du dossier togolais et les contestataires. Les mêmes sources dévoilaient que l’ex-ministre « grand format » avait déjà eu plusieurs entretiens avec Faure Gnassingbé ainsi qu’avec des leaders politiques de l’opposition.

Lorsque, début janvier 2024, sa nomination au poste de conseiller spécial chargé des affaires politiques fut rendue publique, cela n’a surpris personne. Nonobstant, cela a suscité des supputations dans l’opinion qui s’interrogeait sur son retour auprès de Faure à une période où les Togolais espéraient encore la tenue d’une élection présidentielle dans un an. L’ascension de l’ancien ambassadeur de Washington au poste de ministre à la Présidence, au sein du gouvernement Dogbé, consacre le retour de la bête politique.

Les péripéties de Pascal Bodjona montrent que la politique est un terrain où la résilience et la patience sont essentielles. Même face à des injustices ou des échecs cuisants, ceux qui persévèrent peuvent toujours renaître de leurs cendres. Pour ceux qui s’engagent en politique, il est crucial de ne jamais perdre de vue leur conviction et d’être prêts à affronter les défis avec détermination.

Robert Douti

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