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Exploitation des apprentis par leurs patrons, un phénomène qui résiste

par Robert Douti - 2023-10-22 02:35:49 482 vue(s) 0 Comment(s)

 » Nous avons fait la lessive. Il n y a plus d’eau, il nous faut faire le plein des tonneaux avec le weekend qui s’annonce » Ainsi nous a répondu Sanhane, 16 ans apprenti couturière au quartier Dapaonkpergou lorsque nous avons chercher à comprendre pourquoi avec ses camarades, elle ne faisait que des allers retour entre la borne fontaine et le domicile de leur patronne. Ainsi se résume parfois le quotidien de plusieurs adolescents, filles comme garçons confiés à des patrons d’ateliers . Venus pour se faire former, les apprentis sont pour beaucoup d’entre eux soumis à des exploitations de tous genre. La pratique date de la nuit des temps et au fil du temps, elle tend à devenir une norme au regard de la propension qu’elle prend ces dernières années.

Alors qu’il est formellement interdit aux enseignants d’utiliser les élèves pour des activités extra scolaires à leur profit, le soleil qui devrait éclairer le chemin des apprentis semble ne pas encore vouloir se lever et une épaisse obscurité entoure le parcours de la plupart des adolescents qui intègrent les centres de formations artisanales dans la région des savanes. Soumis à divers sortes d’exploitations, certains apprentis n’hésitent pas à changer de patron et d’autres dépasser par ce phénpmène, finissent par abandonner la formation .  » j’ai dû changer de patron pour pouvoir finir ma formation », confie Nouguimboame, 24 ans, aujourdhui maîtresse tisserande. Sa mésaventure, c’est sa mère qui nous la raconte.  » J’avais eu peur pour ma fille. Un jour elle est revenue à la maison les yeux larmoyants et m’a expliqué que sa patronne l’accusait d’avoir volé de l’argent dans la poche de son mari. Je me suis demandé comment cela pourrait-il être possible. Il a fallu cet incident pour que je me rende compte que c’est ma fille qui lavait les habits du couple. C’est donc au lendemain d’une ces corvées que l’homme a constaté qu’une importante somme qui était sensée être dans l’une des poches de son pantalon avait disparu. Interrogeant son épouse, celle ci a déclaré n’avoir pas fouillé les poches du pantalon avant de le remettre à l’apprenti pour laver « . Accusée d’ avoir gardé l’argent, Yendoutien n’a pû prouver son innoncence malgré que l’affaire soit allée en justice. Pour sauver son foyer, la patronne a dû payer la somme à son mari. L’exploitation des apprentis pour les travaux domestiques n’épargne pas les garçons. « Le Gros », 19 ans est dans sa dernière année de formation en menuiserie aluminium au quartier Nassable. Il a été chassé de l’atelier par son patron et n’ a pû reprendre la formation qu’après deux semaines.  » Nous puisons de l’eau aux femmes de notre patron à tour de rôle. Lorsque mon tour est arrivé, je suis allé , j’ai rempli un tonneau et je voulais partir. La femme m’a demandé de puiser un deuxième tonneau, je me suis exsécuté et à la fin elle m’a dit de laver les assiettes. Je lui ai dit qu’il était midi et que je devrais passer chercher mon petit frère à l’école. L’après midi quand je suis revenu à l’atelier, le patron a voulu me taper. J’ai tenté de lui expliquer ce qui s’était passé, il m’ a chassé d’aller ramener mes parents. »

Une situation de plus en plus inquiétante

Outre l’exploitation des apprentis au champs, à la maison et dans d’autres activités à des fins économiques, certaines apprentis filles sont même exploitées sexuellement et très souvent, elles vivent leur calvaire en silence. « 
À Naki-ouest, chef-lieu de la commune de Tône2, le phénomène de l’exploitation sexuelle des apprentis filles est préoccupant et cré des conflits au sein de la communauté.  » Lorsqu’elles viennent en apprentissage, certaines ont déjà un fiancé qui souvent se trouve en aventure au Ghana ou en Côte d’Ivoire. Ce dernier paie les frais de formation et achète un vélo à l’apprenti mais très souvent, la patronne d’atelier contraint la fille à sortir avec certains hommes auprès de qui elle reçoit des cadeaux » révèle un élu locale qui a requis l’anonymat.

À la direction régionale de l’action sociale, le constat reste le même.
« Dans nos constats quotidiens, nous observons l’exploitation économique des apprenants par les patrons et surtout patronnes d’ateliers qui les utilisent dans différentes activités(agricoles, domestiques, etc) en contradiction avec le contrat signé. En outre, surtout en ce qui concerne les apprenties filles, certaines sont utilisées comme des objets sexuels par leurs patronnes qui se présentent comme de véritables proxènètes » affirme George Koudjallé directeur de la protection de l’enfance à Direction régionale de l’action sociale de Dapaong. En dépit de l’existence de la loi numéro 2022-020 portant protection des apprenants contre les violences à caractère sexuel au togo, certains patrons et patronnes d’atelier ne semblent pas se raviser.  » pour ce qui est du proxénétisme, nous recevons des plaintes et certains patrons ont même été privés de liberté pendant des mois. » Ajoute Georges Koudjalle.

Si les parents et les apprentis voient d’un mauvais oeil cette pratique, certains patrons estiment que demander à un apprenti des services comme la lessive, la cuisine où le ménage est un signe d’amour pour l’apprenant car certains n’ont pas la chance d’apprendre cela en famille. « Cela peut permettre à un apprenti de pouvoir profiter pour apprendre par exemple à lessiver ou à cuisiner mais si ce n’est pas dans le cas d’une volonté du patron de transmettre un savoir faire et que c’est juste dans le but de l’exploiter parce que tout simplement c’est un apprenti, c’est condamnable. » Souligne Soumana Mama, Directeur du centre artisanale de formstion en tissage de Dapaong(CAFTIS). Tout en reconnaissant l’existence de la pratique qu’il déplore,  » Petit Paris », président préfectoral du syndicat libre des tailleurs et couturières du Togo (Sylitacto) estime qu’il faut continuer la sensibilisation parce tout le monde n’a pas encore compris

Arrêter la spirale de l’exploitation.

 » Un enfant battu battra » dit-on souvent pour démontrer que chacun donne ce qu’il a reçu. C’est l’une des causes de l’exploitation des apprentis par leurs patrons selon Marc Sanladja, maître menuisier à Nanergou. Comme lui, nombre de maîtres artisans prétendent que l’exploitation des apprentis par leurs patrons est une pratique qui frise le règlement de compte. Au fil des ans, chaque apprenti devenu patron veut faire vivre à ses apprentis ce qu’il a vécu en son temps. C’est en quelque sorte une manière de se faire rembourser . Et à cette allure, il est difficile d’arrêter la spirale de l’exploitation. Et les habitudes ayant la peau dure, le phénomène a réussi à résister à l’épreuve du temps et continue son bonhomme de chemin au nez et à la barbe des dispositions légales.

Comment le phénomène arrivent-il à prospérer malgré l’existence des textes le condamnant et en dépit de la pléaïde d’ONG et associations de promotion et de protection des droits humains? Pourquoi n’arrivent-on pas à décourager les patrons et patronnes afin de les ramener à se raviser? Jusqu’à quand l’exploitation de ces adolescents fragiles devrait-on continuer? Voilà autant de questions qui méritent de trouver des réponse pour attenuer cette pratique qui empoisonne les relations entre apprentis, patrons et parents.

Robert Douti

Laabali

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