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Santé

Déplacés internes : Kankpénandja Yambandjoa a perdu sa femme et son bétail

par Edouard Samboe - 2023-05-18 02:51:40 1407 vue(s) 0 Comment(s)

La saison des pluies s’annonce dans la région des savanes. Dans certains villages, les paysans procèdent déjà aux semis après les premières pluies du mois de Mai. Cependant, pour une frange de la population, aujourd’hui déplacées internes, cette campagne agricole reste incertaine. Chassées de leurs terres par les groupes extrémistes depuis juillet 2022 et réinstallés dans plusieurs villages d’accueil, ces agriculteurs et éleveurs s’interrogent sur leur avenir. Pour la plupart, ils ont tout perdu et ont fui juste avec ce qu’ils avaient sous la main pour échapper à la folie meurtrière des fous de Dieu. Kankpénandja Yambandjoa, la cinquantaine fait partie de ces derniers. Père de six enfants, sa vie bascule, dans la matinée du 2 février 2023 quand son épouse, Yane Nimome, 42 ans périt sur la route du village de Enamoufali [village situé à une quinzaine de km de Mandouri, chef-lieu de la commune de Kpendjal 1, préfecture de Kpendjal] lorsque le tricycle qui la transportait avec plus d’une dizaine de personne saute sur une mine.

Lorsque nous foulons le sol de  Gnabadjoani,  village du canton de Namaré où il vit désormais avec ses enfants, il sonnait presque 16heures. Nous sommes accueillis par des femmes sous une paillotte (Un hangar en bois couvert de tiges de mil). À l’annonce de l’objet de notre visite, l’une d’elles nous apprend qu’il est allé dans le village voisin pour acheter du combustible pour son moulin.

De ses six enfants, nous en avons trouvé quatre. Les deux autres, les plus grands sont allés à la recherche des bouses de vaches qui sert de combustible faute de bois et de tiges de mil. Pendant que nous discutions avec les femmes, un homme arrive sur une vieille moto. À peine est-il descendu que les enfants accourent vers lui. Il prend la plus petite dans ses bras. Taille courte, le crâne rasé, le front plissé, il l’air évasif. Il n’aura pas le temps de nous finir de nous saluer quand l’une des femmes l’informe que nous sommes ses étrangers en lui précisant l’objet de notre visite.

Assis sur un tronc d’arbre, face contre terre, il racle sa gorge et explique.  » Le chien qui veut se perdre ne reconnait plus la voix de son maître » entame-t-il. «C’est celle-là qui était malade (doigtant la fillette Banlikoule, 5 ans, adossé lui, ). J’étais allé à la boutique dans le village voisin pour lui trouver des médicaments. En allant, j’ai demandé à sa maman d’attendre que je revienne pour qu’on aille ensemble à l’enterrement à Gnanlé(La veille, des hommes armés non identifiés y avait abattu quatre jeunes dont Razak son cousin, un maçon de 20 ans). À peine parti, un tricycle est venu pour chercher nos voisins. Elle a profité pour y monter avec eux. » Puis il se tût, ramasse une brindille et se mit à faire des traits sur le sol. Après ce court silence, il ajoute.  » Nous allons nous dire que c’est son jour qui est arrivé. Que Dieu le reçoive dans sa maison et me donne la grâce de pouvoir m’occuper de ceux qu’elle m’a laissé. Yambandjoa affirme qu’il reçut, après le décès de son épouse une natte, une couverture et du savon comme aide, une initiative des préfets de la région des savanes selon ses propos.

Hier, agriculteur et éleveur, il mangeait à sa faim et soutenait ses proches. Aujourd’hui, tout semble s’écrouler autour de lui.  » J’ai vu les choses venir », dit-il, faisant allusion au vol de bétail dont il avait été victime.  » Dans la nuit du 17 novembre 2022, les groupes armés sont venus emporter tous les bœufs du village. Nous avions au total 76 bœufs que nous gardait un bouvier. Le matin du 18 novembre 2022, nous avions retrouvé le parc vide. Personnellement les miens était 11, des taureaux qui pouvaient coûter plus de 300.000 FR CFA … » Notre interlocuteur ne pût aller plus loin dans son récit. Malgré ses efforts de se retenir, il finit par se fondre en larme et baisse la tête. Aujourd’hui, sa seule source de revenu reste le moulin qu’il a pût emporter et réinstaller à l’air libre, à la merci du soleil et de la pluie. Il espère pouvoir se remarier car il lui faut absolument une femme pour l’aider à s’occuper de ses enfants.

Combien sont-ils ces rescapés de la morts loin des regards consolateurs à trainer leurs douleurs sur le cœur et le traumatisme dans la tête, des milliers certainement. Et, après avoir tout perdu et chasser de leurs terres, ils doivent se refaire une autre vie. Pour ces milliers de déplacés, il faut du secours, pas pour toujours, mais du moins pour un temps afin de les aider à se remettre debout afin d’éviter une crise humanitaire.

Robert Douti

Laabali

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