L’inadéquation formation/ emploi est l’une des tares que traine l’école togolaise à l’instar de celle de la quasi totalité des pays d’afrique francophone. Chaque année, les écoles et universités déversent sur le marché de l’emploi( dans la rue en réalité), de milliers de jeunes diplômés. Après plusieurs années d’études, il leur faut se reconvertir et très souvent, ce n’est pas chose aisée pour la majorité. Cependant, certains jeunes plus entreprenants peuvent s’en sortir , s’ils sont bien accompagnés. Léne Bagoume pourrait sans doute se figurer parmi ces derniers. Titulaire d’un baccalauréat de l’enseignement général depuis trois ans et n’ayant pû s’inscrire pour des études supérieures fautes de moyens, il s’est reconverti en artisan dans son village de Kpinkpark-pak, dans la commune de Tandjoaré 1.
Au bord de la nationale numéro 1, à quelques minutes de Tandjoaré, chef lieu de la préfecture du même nom, des meubles en branches de raphia sont exposés sur le trottoir: tables, chaises de différents modèles, étagères, lits, etc ne manquent de retenir l’attention des voyageurs curieux. L’ auteur de ces chef-d’œuvres habite non loin, dans une cour modeste.
Bagoume Lamboni, artisan dans l’âme
» C’est mon oncle paternel qui fabriquait les meubles en bambou. Mon frère et moi , avions acheté chez lui, nous avons essayé de l’imiter pour en fabriquer aussi. » témoigne Lamboni Bagoume, la vingtaine révolue. Selon les témoignages, Bagoume n’a jamais appris ce travail mais aujourd’hui il le pratique avec son frère aîné Nanfan. Après l’obtention de son baccalauréat et face à l’incapacité de s’inscrire à l’université, il se consacre à la fabrication des meubles en raphia. Avec des branches de raphia, des tiges de neem et du fil en nilon, les frères Lamboni fabriquent et vendent des meubles divers qu’ils exposent sur la route. Dans cette familles, chacun des trois frères sait désormais fabriquer des meubles en raphia. L’activité selon leur témoignage leur permet de vivre, mais depuis quelques moments,des difficultés sont apparues et risquent de rendre le travail désormais plus difficile .
Les raphia deviennent rares et les bois de plus en plus chers. » Avant, nous allions dans la fosse aux lions pour nous procurer des branches de raphia. Mais entre temps, les tracteurs sont venues les déraciner et transformer la zone en rizière. Dans d’autres endroits, les raphia sont détruits par les feux de végétation.
Aujourd’hui, il faut parcourir des kilomètres parfois dans la forêt avant d’en trouver. Souvent, c’est dans les champs qu’on gagne et pour couper, il faut négocier avec le propriétaire. On exige dès fois en retour une chaise ou un lit. » Se complaint Bagoume. Il nous a confié avoir tenter de planter des raphia mais il n’a pas réussi parce que cette plante ne réussit que dans les endroits marécageux. » Je demande aux autorités de nous aider à préserver ces espèces en nous fournissant des jeunes plants à reboiser et a délimiter un espace dans la fosse aux lions pour la cause. Il faut aussi qu’ils sévissent contre ceux qui allument les feux de brousse » exhorte t-il. Pour les clients, l’artisan conseille de toujours protéger les meubles en raphia contre le soleil et la pluie. » Au temps de nos parents, ce sont les lanières en peau de bœufs qu’on utilisait pour la fabrication. Aujourd’hui, la peau de bœuf est consommée comme viande c’est pourquoi nous utilisons les fils en nylon mais le nylon se dégrade vite lorsqu’il est exposé au soleil. Aussi, faut-il rappeler que le raphia noircit et fini par pourrir s’il est mouillé régulièrement à la pluie » précise -t-il.
La fabrication des meubles en bambou est une activité qui nourrit son homme d’après les témoignages des proches de Bagoume. Ce dernier entend entreprendre des démarches auprès de la chambre des métiers afin d’obtenir l’autorisation d’ouvrir un centre pour former des jeunes à exercer cette activité. » Nous recevons parfois des commandes de la capitale, et même hors du pays. Il y’a souvent un client qui vient de Ouagadougou et en achète par dizaines. Souvent c’est le matériel qui nous fait défaut » confie Nanfan Lamboni, son frère aîné.
Pour les frères Lamboni, la fabrication des meubles en raphia apparaît comme une solution face au chômage et surtout à l’insuffisance des terres cultivables dans ce village situé dans le creux des montagnes.
Robert Douti
Laabali