Cinq mois, après son arrivée au pouvoir au Burkina Faso, par un coup d’Etat militaire, le lieutenant colonel Sandaogo Damiba, président de la transition a dressé un premier bilan de sa gestion.
«Je prenais date avec vous pour faire un premier bilan d’étape du processus de reconquête de notre territoire national entamé au lendemain du tournant politique qu’a connu notre pays» a lancé Damiba, dès l’entrée de son discours, avant de poursuivre: « Mais il sied, avant d’évaluer le chemin parcouru, de vous décrire de façon explicite et sans complaisance, la situation grave dans laquelle se trouvait notre pays au moment où nous mettions en route l’œuvre de restauration et de refondation».
Parlant du Burkina Faso, Damina a expliqué ceci: «Le mal qui nous ronge, est la résultante de plusieurs années de compromissions politiques, de contradictions sociales et d’amalgames de tous genres, qui ont fini par porter un coup fatal à l’équilibre délicat, que nos devanciers avaient réussi à trouver, pour permettre aux différentes communautés de vivre ensemble malgré leurs différences. Incapables d’initier le moindre sursaut collectif, nous avons laissé notre pays
sombrer (...)
A tous les niveaux, nous avons failli. A commencer par nous, Forces de défense et de sécurité, chargées de défendre notre territoire et de protéger nos populations. Les divisions internes nous ont fragilisés, au point de remettre en cause les valeurs qui faisaient la renommée du soldat Burkinabè. Cela se ressent très logiquement sur notre engagement et notre manière de mener la guerre contre le terrorisme. Certaines actions des nôtres ont malheureusement plus contribué à attiser le feu, plutôt qu’à l’éteindre. Cette réalité concerne également les VDP qui, malgré leur bravoure, ont
parfois été utilisés ou manipulés à des fins de vengeance au niveau communautaire.
La vérité est que cet état de délabrement moral, concerne toutes les composantes de notre société», a relevé Damiba
Pour Damiba : « Le laxisme et le clientélisme de tous genres, se sont érigés en règle, dans une administration publique prise en otage par des groupuscules. Dans les faits, le service public s’est mué en système de corruption, de clientélisme et de marchandage aux antipodes de la bonne gouvernance tant prônée. Au point où les populations ont fini par développer un sentiment de défiance envers les structures administratives publiques. Des commis de l’État, politisés et sans honte, devenus de
vrais rapaces, à l’affût de la moindre opportunité pour aspirer nos maigres ressources publiques. Le constat n’est guère plus reluisant sur le terrain de la justice en laquelle le Burkinabè a perdu grandement confiance.
Une justice devenue un terrain d’affrontement politique et où les luttes intestines l’empêchent d’assumer son rôle de régulateur social. L’indépendance de la justice, saluée par tous il y a quelques années de cela, semble être mal assumée, et pose à nouveau l’épineuse question de l’homme des pouvoirs et des institutions. Au-dessus, il y a cette classe politique. Une élite censée traduire les aspirations profondes du peuple en projets salvateurs, mais qui malheureusement, s’est engluée dans les méandres de luttes aux finalités malsaines et opportunistes. Trop préoccupée par ses intérêts personnels,insoucieuse devant la désespérance de la population, elle a pour beaucoup fait le choix de rester dans des invectives inutiles, dans l’achat des consciences par des distributions d’argent, dont on doit chercher la provenance.
La consécration de l’impunité dans la gestion des deniers publics a contribué à exacerber le sentiment d’injustice sociale au point d’alimenter de nombreuses rancœurs contre l’Etat et ses démembrements.Et il y a enfin ce peuple. Ce pauvre peuple, laissé à lui-même, balloté de toutes parts, par les officines obscures
cachées derrière certaines technologies, et gavé d’informations alarmistes par certains médias devenus de dangereux outils de subversion. Un peuple qui n’a plus de
repère et qui n’arrive, ni à se mobiliser derrière son armée, ni à se révolter contre l’ennemi. Un peuple qui a troqué ses capacités de résilience contre un assistanat continu. Un peuple en quête permanente de bouc-émissaire. Un peuple qui est en train de perdre son âme mais qui ne s’en rend même pas compte. Un peuple qui semble avoir décidé de subir».
La redaction
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